Le « Made in Russia » comme principe de développement

L’atelier de Constantin Lagoutine et Anna Sajinova.

L’atelier de Constantin Lagoutine et Anna Sajinova.

Ilya Nodia
Petites et moyennes unités de fabrication ont éclos dans des friches industrielles. Répondant d’abord à une demande domestique plus exigeante, elles visent désormais l’exportation.

Constantin Lagoutine et Anna Sajinova, deux jeunes architectes d’intérieur, venaient à peine de terminer leurs études en 2008 lorsqu’ils ont réalisé que personne ne pouvait confectionner sur place ce qu’ils désiraient. Ils ont proposé leurs idées à plusieurs fabricants de meubles, mais partout, la même réponse : trop compliqué, marché trop étroit. Ils ont alors décidé de donner eux-mêmes vie à leurs inventions.

Aujourd’hui, les architectes dirigent une équipe de 30 personnes au sein d’Archpole, leur atelier de mobilier. Installés dans une ancienne usine de luminaires, ils fabriquent des chaises, des tables et des canapés et ciblent la classe moyenne urbaine qui tient à l’esthétique et à la qualité de son environnement – un segment croissant de la population russe actuelle, précise Constantin Lagoutine. La demande a augmenté d’autant plus quand les clients ont vu que les produits et les prix de l’entreprise étaient plus que compétitifs par rapport au mobilier des concurrents européens. Les deux architectes s’inscrivent dans une nouvelle vague qui gagne du terrain en Russie dans différents domaines et types de produits. 

Lancer sa prope marque

C’est aussi le cas de Ksenia Nunis, cofondatrice de Depstore, une boutique qui vend des produits de créateur installée dans la galerie commerçante à la mode de Moscou, le Tsvetnoy Central Market. « Quand je me suis lancée en 2011, il y avait peut-être une douzaine de noms connus, dit Nunis. Aujourd’hui, le choix est bien plus large et les grandes chaînes commencent à manifester leur intérêt, car elles cherchent à réduire leurs coûts logistiques. C’est une tendance saine, car seuls ceux qui savent supporter la pression des détaillants et gèrent leur propre production survivront sur le marché. Aujourd’hui, c’est le moment idéal de lancer sa propre marque ».

Ksenia Nunis a commencé avec une boutique en ligne visant à rehausser le profil des créateurs russes et à effacer la barrière entre les produits occidentaux et les produits russes. « Il était évident que les gens avaient des réserves quant aux produits ‘Made in Russia’, préoccupés principalement par leur qualité », explique-t-elle.

Toutefois, avec 80% de produits fabriqués en Russie dans son inventaire, la commerçante tient également à stocker des marques étrangères célèbres. La raison : bien que les détaillants reconnaissent la qualité des produits proposés par des petits fabricants, ils continuent à se plaindre du manque de professionnalisme dans leur marketing. Stocker des marques étrangères est le seul moyen de faire comprendre aux fabricants russes comment proposer des produits de bonne qualité à des prix raisonnables, précise Mme Nunis.

Comme chaussure à son pied

Si certains petits fabricants de la nouvelle vague ont une expérience entrepreneuriale à leur actif, la plupart sont partis de zéro avec un plan de développement des plus basiques et, dans certains cas, même moins. 

Depuis 2009, Vladimir Grigoriev dirige une entreprise de chaussures appelée Afour à Saint-Pétersbourg. Aujourd’hui, cette maison fabrique 20 paires de chaussures et bottes de créateur par jour dans les trois pièces que Grigoriev loue dans une fabrique de chaussures soviétique abandonnée aux abords du centre-ville.

Son entreprise est née à partir de quelques modèles originaux qu’il avait conçus pour lui-même. En peu de temps, il a embauché un cordonnier dans son atelier un jour par semaine pour assembler ses créations pour ses amis, puis les amis de ses amis. Il s’est ensuite lancé dans la promotion sur les réseaux sociaux, suivie d’une boutique en ligne où les clients pouvaient créer leurs propres modèles, allant des richelieux bordeaux aux bottes d’hiver jaune et noir. La croissance est bonne, le volume double chaque année, mais presque tout est fabriqué avec des surstocks achetés aux fabricants européens. Le grand saut pour devenir une entreprise véritablement russe est encore à venir. « Un jour, nous achèterons nos matières premières en Russie », prédit Andreï, qui gère les commandes d’Afour.

La même vision 100% russe motive les fondateurs d’Archpole à Moscou, qui cherchent encore à s’étendre. L’année financière a été un tel succès que les deux architectes ont acheté une vieille ferme à la campagne : la relocalisation de la production dans la ferme leur permettrait de libérer de la place en ville pour une croissance exponentielle avec le lancement de nouvelles gammes de meubles. 

« Si nous voulons vraiment avoir un impact, nous devons lancer une production à grande échelle avec des milliers d’employés plutôt qu’avec quelques dizaines seulement », dit M. Lagoutine, qui n’a aucune intention d’abandonner son objectif de longue date : faire en sorte que les camions qui rapportent toutes sortes de marchandises en Russie de l’étranger soient un jour entièrement remplis de ses meubles sur le chemin du retour. 

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