En 2013, Natalia Novitskaïa (autrefois directrice des ventes d'une grande maison d'édition) a ouvert sa propre entreprise et s'est lancée dans les champignons rares. À la demande des restaurants moscovites, son entreprise Russian Truffle importait des champignons gastronomiques d'Europe et parallèlement, développait un réseau de cueilleurs en Russie. « Au départ, nous voulions nous spécialiser dans les champignons exotiques comme la truffe, dont il existe plus de 10 sortes. Nous voulions toutes les intégrer dans la restauration de Moscou, notamment la truffe hongroise sucrée », raconte Natalia.
Pourtant, en 2014, il a fallu réviser les projets suite à l’intégration de la Crimée à la Russie et à l'introduction de l'embargo alimentaire sur les produits européens. L'entreprise de Novitskaïa s'est complètement réorientée sur la cueillette de champignons en Russie et a mis en place des importations de truffe noire de Crimée et de morille conique de Sibérie. « Avec l'introduction de l'embargo, notre clientèle s’est élargie, car les chefs-cuisiniers étaient simplement obligés de trouver une alternative aux produits importés », raconte Natalia.
Truffe noire de Crimée. Crédit : Russian Truffle
L'embargo alimentaire a été un tournant pour de nombreuses petites et moyennes entreprises russes – une demande pour des produits de qualité s'est formée en Russie. Les restaurateurs, les grossistes et les consommateurs se sont tournés vers les fabricants russes capables de proposer une bonne alternative aux importations, allant de la viande et du lait aux produits gastronomiques comme le jambon.
Natalia Novitskaïa. Crédit : Russian Truffle |
Les producteurs sont, bien sûr, gagnants. Selon l'indice national de production industrielle, la production de viande en Russie a crû de 14% et celle de fromage – de 23% sur les neuf premiers mois de 2015 par rapport à la même période de 2014. Dans les nouvelles conditions, les secteurs agraires en vogue tels que les fermes écologiques ont bénéficié d'une impulsion positive.
« Le volume des ventes de viande et de lait de notre ferme a crû de 35-40% en 2015 par rapport à 2014 », raconte Elena Boutko, gérant du projet TsarPripas, marque commerciale de la ferme écologique Zaretché, située près de Moscou. « Nous attribuons cette croissance à deux facteurs : le déficit accru sur le marché et l'intérêt grandissant des clients pour les produits biologiques », explique Elena.
La ferme a ouvert en 2011 et, depuis, est devenue la plus grande ferme biologique en Russie. L'exploitation s'étend sur 5 ha et compte 3 000 têtes de bétail (dont la race bovine Aberdeen-Angus, célèbre pour sa viande marbrée) et 5 000 volailles, dont les traditionnels canards, poules et oies, mais également des dindes, des pintades et des cailles.
Des vaches de la race Aberdeen-Angus. Crédit : service de presse de TsarPripas
Au printemps 2015, la ferme écologique a même commencé à produire son propre jambon Serrano selon une recette accélérée. Pour l’instant, le jambon représente moins de 1% des ventes de la ferme. La ferme prévoit de commencer les livraisons de viande et de jambon dans les restaurants de Moscou.
Conséquencesdeladévaluation
La dévaluation du rouble survenue fin 2014 s’est avérée être pour les petites entreprises un coup bien plus dur que l’embargo.
Ayant de lancer à Moscou sa propre entreprise de vente de desserts japonais mochi en 2013, la directrice de la compagnie INNOVA, Yulia Mirochnitchenko avait mené des études de marché pendant six mois et sélectionné elle-même son assortiment. L’embargo n’a pas concerné ses affaires, car elle achète ses produits à Hong-Kong. Cependant, la dévaluation du rouble et les soubresauts du cours, qui se poursuivent encore aujourd’hui, ont directement affecté ses coûts.
« La situation est compliquée par le fait que le produit est taxé à la douane selon le cours du dollar au moment de la livraison. On ne sait pas quel sera le cours lorsque l’envoi de produits arrivera », raconte Yulia. Cependant, Yulia estime qu’il n’y a pas de raison de changer de fournisseur et de chercher un produit équivalent à un prix et une qualité inférieurs. « Aujourd’hui, les petites entreprises de Moscou sont soumises à une nouvelle taxe commerciale. Ainsi, la question pour nous n’est même plus de faire des bénéfices, mais de nous maintenir sur le marché », commente Yulia Mirochnitchenko.
Crédit : service de presse de TsarPripas
La brutale baisse du cours du rouble a poussé les restaurants moscovites à faire des économies sur leurs achats. Les champignons rares ont été la première chose dont les chefs-cuisiniers se sont privés. « Avant la dévaluation du rouble, nous vendions en moyenne 10 kg de truffes par semaine, aujourd’hui 2 kg au mieux », raconte Natalia Novitskaya.
« Pour un acheteur étranger, toutes les matières premières en Russie sont devenues beaucoup moins chères. Aujourd’hui, une quantité énorme d’acheteurs étrangers se promène en Sibérie, à Valdaï. Des Chinois, des Turcs, des Allemands, des Italiens, des Français, viennent et achètent tout à n’importe quel prix », fait remarquer Novitskaya.
Dans ce contexte de crise, il a fallu rechercher de nouvelles solutions, et la compagnie Russkie Griby (Champignons Russes) a commencé à proposer aux restaurants des produits moins chers. « Notre grand succès de la saison est la trompette de la mort, tous les restaurants de Moscou travaillent avec nous sur ce produit. Nous l’avons imaginé et lancé nous-mêmes, comme la pomme de pin salée et marinée, qui se vend aussi très bien », raconte fièrement Natalia.
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