Fin août, le principal centre d’innovations russe Skolkovo a inauguré un nouveau département consacré aux biotechnologies agricoles. En ces temps de sanctions, le gouvernement russe est confronté à la nécessité de relancer l’agriculture afin de remplacer les produits interdits à l’importation. Fin mai 2015, Vladimir Poutine a signé des amendements législatifs permettant à Skolkovo d’élargir son champ de recherche grâce aux biotechnologies agricoles et industrielles.
Biotechnologies à gogo
Les experts estiment que l’état de la sélection artificielle en Russie est déplorable : au cours des 20 dernières années, ce domaine scientifique n’a reçu aucun soutien. « La plupart des variétés et races animales utilisées dans l’agriculture russe sont importées », indique Iouri Nikolski, directeur scientifique du cluster des technologies biomédicales de Skolkovo. « La base expérimentale est en grande partie détruite, les chercheurs sont partis à l’étranger ou ont changé de domaine ».
Selon M. Nikolski, Skolkovo a entamé la recherche des experts et l’analyse des domaines stratégiques. Depuis début août, le centre sélectionne les projets pouvant prétendre à la résidence et obtenir ainsi un soutien et des financements. Pour le moment, aucun domaine prioritaire n’a été dévoilé. « Les novateurs dans ce domaine sont si rares en Russie qu’il ne serait pas raisonnable de les restreindre », raconte Nikolski.
Le cluster estime qu’à l’horizon 2020, Skolkovo comptera près de deux cent résidents travaillant sur des projets dans le domaine des biotechnologies agricoles et industrielles. Les investissements privés levés dans les 6 prochaines années sont estimés à 5 milliards de roubles (66 millions d’euros), et les revenus potentiels des résidents pour la même période – à plus de 7 milliards (93 millions d’euros).
Huîtres russes, technologies californiennes
M. Nikolski estime que la Russie pourrait rapidement se frayer un chemin dans le domaine de la sélection génomique. « L’un de nos résidents, une société d’Extrême-Orient, utilise la méthode de la sélection génomique. Ils créent de nouveaux organismes inconnus dans la science, dont la génétique n’est quasiment pas étudiée. Dans ces cas, les sélectionneurs russes sont sur un pied d’égalité avec les spécialistes occidentaux, car ici, il faut tout commencer à partir de zéro », estime Nikolski.
La deuxième voie réside, selon lui, dans l’ingénierie génomique. Dans la sélection artificielle traditionnelle, le génotype subit des modifications progressives, avec une sélection par phénotype à chaque génération. De son côté, l’ingénierie génomique permet d’intervenir directement sur le code génétique au niveau des cellules souches et des cellules embryonnaires. Ainsi, le processus de sélection peut être considérablement accéléré, précise Nikolski. Cela permettrait à la Russie de combler son retard. Certains groupes scientifiques russes utilisent déjà la technologie de l’ingénierie génomique, par exemple, au laboratoire de génomique fonctionnelle de l’Institut de la génomique générale Vavilov.
Récemment, Skolkovo s’est intéressé au projet d’élevage d’huîtres « résistantes au froid », élaboré en Californie par une entreprise originaire de Russie. Ces technologies pourraient être appliquées en Extrême-Orient, au Kamtchatka et à Sakhaline, estime Nikolski. « Dans la mer, les organismes se développent mieux dans des températures froides. Les huîtres et les concombres de mer élevés dans les mers du Nord sont supérieurs en goût, en taille et en qualité aux espèces de la mer Jaune en Chine. De ce point de vue, la Russie a beaucoup de chance ».
Nous avons choisi quelques projets des sélectionneurs russes pouvant prétendre à la résidence à Skolkovo.
1. Aubergines vertes
Une nouvelle variété d’aubergine de couleur verte pale sans amertume est cultivée par les sélectionneurs d’Astrakhan, dans le sud de la Russie. Elles ont une forme conique allongée. Ces aubergines ne nécessitent pas d’épluchage, car leur peau est tendre, même à maturation complète. Cette variété a été lancée par hasard : les chercheurs ont trouvé les légumes verts parmi des variétés classiques.
2. Pommes de terre violette
Il y a quelques années, les sélectionneurs de l’Oural ont créé une pomme de terre violette-améthyste baptisée Tchoudesnik. Elle a été obtenue grâce au croisement avec des variétés sauvages et résiste au russe climat rude ainsi qu’aux maladies. Elle présente, par ailleurs, une teneur élevée en antioxydants et en vitamine C.
3. Pastèques à chair orange
En juillet dernier, les sélectionneurs russes ont annoncé avoir réussi à créer une pastèque à la chair orange. Ils expliquent que le nombre de personnes souffrant d’intolérance individuelle aux produits de certaines couleurs étant en hausse, leur projet jouira d’une demande assurée sur le marché.
4. Renards gentils
La sélection de renards sauvages, lancée il y a plusieurs années à Novossibirsk, est déjà entrée dans les manuels de génétique. Cette expérimentation n’a aucun lien avec l’alimentation. Toutefois, les généticiens estiment que les renards pourraient aider à étudier les principaux mécanismes responsables du développement des comportements agressifs ou bienveillants, ainsi que les psychoses et les dépressions. Les renards domestiqués changent non seulement de comportement, mais également d’apparence – ils se couvrent de taches qui les font ressembler à des chiens.
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