Fabrication de la bière à une usine de Sun InBev.
suninbev.ruCet été, les producteurs de bière ont reçu l’obligation de se connecter au système EGAIS à partir du 1er juillet 2016 (Système d’Information Automatique Unifié du Gouvernement). Est-ce grave pour le secteur ? En 2007, la connexion à EGAIS des producteurs d’alcools forts s’est accompagnée de nombreuses dépenses…
Dmitri Chpakov : La première composante est les prix : un million de roubles [13 800 euros, ndlr] par emplacement. Ensuite viennent des dépenses secondaires, qui seront permanentes du point de vue de l’implantation des systèmes, du point de vue du personnel supplémentaire qui s’en chargera. Mais le plus important est la question de l’efficacité de ce système. Quand l’EGAIS a été introduit pour les producteurs de vodka, 30-40% de la vodka produite en Russie était illégale. Aujourd’hui, selon les données du gouvernement, ce chiffre est de 50-60%. De quelle efficacité est-il question ? Et comment peut-on comparer l’alcool fort à la bière en ce qui concerne la contrefaçon ? Aujourd’hui, 80% du marché de la bière est occupé par 4 grosses multinationales, qui ne se permettront jamais de produire des boissons contrefaites. Pourquoi nous attaquons-nous au marché de la bière, qui est très ouvert et transparent ?
Le marché de la bière en Russie est en perte de vitesse depuis plusieurs années, et le bout du tunnel n’est pas encore en vue. Quelle est la stratégie de la compagnie dans ces conditions ?
D.Ch.: C’est absolument vrai, le marché subit beaucoup de pression. L’année dernière, les problèmes de l’économie russe, la dévaluation du rouble, ont eu une grande influence. Sur les dernier 5-6 ans, le marché de la bière en Russie a perdu plus de 30% de son volume. Pourquoi cela s’est-il produit ? Souvenons-nous. Le droit d’accise a été multiplié par 6 en 5 ans. Le volume des ventes de la société [ Sun InBev, ndlr] a diminué de 30% sur les deux dernières années, nous avons perdu 15% l’année dernière. Naturellement, sur une perspective à cinq ans, la baisse est bien plus significative.
Comment allons-nous réagir dans cette situation ? Tout d’abord, le marché de la bière en Russie est incroyablement intéressant ; il l’était et le reste. Il occupe la cinquième place dans le monde en volume. En tant que leader mondial en volume de production de bière, nous ne pouvons pas penser au leadership mondial sans un marché comme la Russie. Cela répond à la question des investissements futurs de la compagnie en Russie. Le marché est intéressant, lacompagnie investira.
Dans quelle mesure les budgets marketing de la compagnie ont-ils diminué par rapport à la situation d’il y a deux ans, lorsque la publicité pour la bière avec alcool a été autorisée à la télévision le soir ?
D.Ch.: Il est de notoriété publique que les dépenses publicitaires à la télévision ont baissé chez absolument tous les producteurs de bière, et nous ne faisons pas exception. Aujourd’hui, le gouvernement fait un pas dans notre direction. On peut mettre de la publicité dans la presse écrite, on peut envisager de la publicité pendant les évènements sportifs : tout ceci est très bien. Mais de toute façon, nous n’avons pas accès à plus de 10% de secteur télévisuel pour y insérer notre publicité. Notre compagnie est prête à investir dans de la publicité pour sa production, mais il est important que nous sachions que les lois publicitaires ne vont pas se durcir après la coupe du monde de football en 2018.
Dmitri Chpakov. Crédit : service de presse de Sun InBev
L’année dernière, Sun Inbev a lancé deux clips publicitaires aussi mémorables que probablement chers, spécialement pour la Russie, avec l’acteur David Duchovny parlant de ses racines russes et le rappeur Xzibit réparant une appartement dans un immeuble de style khrouchtchevien. Qu’est-ce qui a motivé le choix de cette stratégie publicitaire ?
D.Ch.: C’est en grande partie une initiative de notre équipe locale, et elle a été très favorablement accueillie au niveau mondial, car notre siège central sait qu’il n’existe pratiquement aucun endroit dans le monde où les interdictions de publicité soient aussi strictes qu’en Russie aujourd’hui. Par conséquent, dans ces conditions, il est indispensable d’agir et de penser de façon inhabituelle. Et je suis très content que notre équipe russe ait trouvé une solution, en utilisant des canaux de communication qui sont de plus en plus populaires dans le monde entier. On peut dire que Sibirskaya Korona (vantée par Duchovny) et Klinskoye (présentée par Xzibit) ont été en avance sur leur temps.
L’observatoire russe de la consommation a interdit l’importation en Russie de votre marque ukrainienne Tchernigovskoïe. Cette interdiction a-t-elle eu un impact sur la compagnie ?
D.Ch.: La Tchernigovskoïe est maintenant produite en Russie et jouit d’un grand succès. Oui, nous en importions d’Ukraine, mais le volume des livraisons n’était pas si important. Aujourd’hui, la dynamique s’est inversée, par exemple, nous importons de la Bud en bouteilles de 33cl de Russie en Ukraine, car nous n’avons pas les moyens de la produire en Ukraine. D’une manière générale, le marché russe est quatre fois plus grand que le marché ukrainien. Pour notre compagnie, il est 1,5 fois plus grand en volume, et de 2,5 à 3 fois plus important en prix.
Anheuser-Busch InBev est une compagnie américaine, et le gouvernement des Etats-Unis a déconseillé aux sociétés dépendant de la juridiction américaine de faire des affaires en Crimée. Comment travaillez-vous dans ces conditions ?
D.Ch.: Comme les autres sociétés, nous livrons de la bière en Crimée depuis la Russie. Nous le faisons de manière parfaitement légale. La responsabilité de la livraison de bière en Crimée repose sur nos partenaires en Crimée. Nous avons des distributeurs traditionnels avec lesquels nous travaillons depuis plusieurs années, et, bien entendu, ceux-ci reçoivent maintenant la bière depuis la Russie.
Que pensez-vous du boom de la bière artisanale à Moscou et dans d’autres grandes villes ? Est-ce une mode qui passera bientôt ou bien une tendance de long terme ?
D.Ch.: C’est une tendance mondiale ; la demande de bière artisanale croît en Europe et en Amérique, y compris en Amérique du Sud, pas seulement aux Etats-Unis. Il est encore trop tôt pour dire que segment produit de grandes quantités. Mais il est énorme du point de vue de la quantité de brasseries et des offres uniques. Nous serions très intéressés par une opportunité de participer d’une manière ou d’une autre à cette tendance, qui sait, peut-être l’année prochaine verrez-vous des nouveautés, nous avons la possibilité de produire des bières uniques dans l’une de nos usines.
Version intégrale de l'entretien publiée sur le site de RBC
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