Les autorités russes ont décidé de détruire à partir du 6 août les produits sous embargo interceptés à la frontière. Le décret a été signé par le président Vladimir Poutine le 29 juillet dernier, annonce le site officiel du chef de l’Etat. Il s’agit notamment de produits alimentaires en provenance des Etats-Unis, de l’Union européenne et de tous les pays ayant introduit des sanctions contre la Russie dans le cadre de la crise ukrainienne. Le décret ne concerne pas les produits ramenés par des personnes physiques pour leur propre consommation.
Aux termes du décret présidentiel, les produits interdits à l’importation seront détruits immédiatement après leur saisie. Les représentants des autorités chercheront les aliments sous embargo non seulement à la frontière, mais dans tout le pays, notamment dans les magasins et les stocks des détaillants.
L’opération d’anéantissement sera filmée ou prise en photos et devra être effectuée en présence d’au moins deux témoins désintéressés. Le vice-ministre de l’Agriculture, Evgueni Gromyko, a indiqué dans une interview à l’agence russe Interfax que le gouvernement savait d’ores et déjà que faire des graisses, des fromages et des fruits et légumes – ils seront brûlés dans des fours spéciaux –, mais n’avait toujours pas décidé des moyens de détruire les produits à base de viande.
« L’impossibilité de se conformer à l’embargo intégralement s’explique par les particularités de la législation supranationale ou de la régulation douanière dans le cadre de l’Union eurasienne », a déclaré l’analyste du fonds d’investissement Finam, Timour Nigmatoulline. Selon lui, la Biélorussie n’a pas introduit d’embargo à l’encontre de l’UE, tandis que le contrôle douanier entre la Russie et la Biélorussie est pratiquement inexistant.
« L’introduction de l’embargo alimentaire avait été décidée pour des raisons géopolitiques et macroéconomiques en vue de soutenir le producteur russe. L’effet escompté a été atteint dans les deux cas », a-t-il souligné. Pour lui, même l’imperfection des institutions en charge de la régulation économique et publique dans le pays n’est pas critique de ce point de vue.
Ilia Balakirev, analyste en chef d’UFS IC, fait remarquer que la destruction de produits est une pratique assez répandue dans nombre de pays développés. « C’est autre chose si cette mesure est un constat de l’incapacité physique à contrôler entièrement les importations de produits sous embargo », a-t-il noté.
La réaction au décret présidentiel est loin d’être univoque. « Je m’oppose résolument à de telles pratiques. Les Russes éprouvent en général un grand respect pour les produits et pour le travail de ceux qui les ont fabriqués. Pour une grande partie de la population, détruire et brûler des aliments est un blasphème », a déclaré Natalia Chagaïda, directrice du Centre de politique agroalimentaire de l’Académie présidentielle russe de l’économie nationale et de l’administration publique.
Pendant l’actuelle période de crise, la population a réduit sa consommation et a exclu de son menu les produits haut de gamme, à en juger d’après les indices du commerce de détail de produits alimentaires, a-t-elle poursuivi.
Selon le ministère du Développement économique, au premier semestre de cette année le commerce de détail a chuté de 8%, notamment de 7,7% pour les produits alimentaires et de 8,3% pour les produits non alimentaires. « Au lieu de les détruire, il vaut mieux saisir les produits de bonne qualité pour sanctionner les fournisseurs ou les sous-traitants qui violent les interdictions du gouvernement, et les remettre aux écoles, orphelinats et hospices », a-t-elle dit.
Andreï Kroutov, député à la Douma (chambre basse du parlement russe) du parti de centre gauche Russie Juste, a pour sa part proposé au gouvernement d’envoyer les produits saisis aux habitants des régions orientales de l’Ukraine. Il a adressé une lettre appropriée au ministre de l’Agriculture, Alexandre Tkatchov, annonce le journal Izvestia. Le député a rappelé que les petites localités du sud-est de l’Ukraine souffraient de pénurie d’aliments en raison d’un blocus.
Selon les douanes russes, 552 tonnes de produits sous embargo ont été saisis au cours des six premiers mois de l’année, annonce le journal Kommesant. Le vice-premier ministre Arkadi Dvorkovitch a pour sa part indiqué que les structures de contrôle avaient enregistré au cours des derniers mois entre 700 et 800 violations de l’embargo alimentaire. En outre, les autorités russes ont saisi 44,8 tonnes de produits sous embargo dans les magasins.
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