Nucléaire : le pari d’une reprise à l'Ouest

Dans la centrale nucléaire de Smolensk. Crédit : TASS

Dans la centrale nucléaire de Smolensk. Crédit : TASS

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) estime que d’ici 2030, la capacité des centrales nucléaires en Europe sera réduite de 35%, alors qu’en Asie, elle sera multipliée par 4. Mais les professionnels russes du secteur n’y voient qu’un phénomène cyclique.

Ces dernières années, les perspectives de l’énergie nucléaire en Europe, et notamment dans les pays les plus développés industriellement, se sont considérablement assombries. Après l’accident nucléaire de Fukushima au Japon, l’Allemagne a décidé de sortir totalement du nucléaire d’ici 2022. L’Italie a déjà annulé son programme (auquel la France participait) de construction de quatre réacteurs nucléaires. En France, un pays à l’avant-garde de l’énergie nucléaire au niveau mondial, le gouvernement socialiste a annoncé une réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité nationale, qui doit passer de 75% à 50%.

Le redémarrage est inévitable 

Toutefois, il n’est pas certain que la tendance se confirme sur le long terme. Le développement de l’énergie nucléaire dans le monde est cyclique :« Si demain, aux États-Unis, l’extraction de gaz de schiste bon marché diminue ou bien, par exemple, si en Europe on réduit les subventions pour l’énergie renouvelable qui permettent aux entreprises de rivaliser d’égale à égale avec d’autres types de production, alors ces régions connaîtront peut-être un retour de la demande d’énergie nucléaire », estime Alexeï Gavrilov, expert indépendant et spécialiste de la production d’électricité.

Quel que soit le pays concerné, le développement de l’énergie nucléaire dépend fortement de facteurs politiques domestiques. Dans ce sens, on peut voir dans la victoire significative de la droite aux récentes élections départementales la possibilité d’un retour de la France vers une politique pro-nucléaire plus active en cas de changement de majorité. Il convient de rappeler que, durant son mandat présidentiel, Nicolas Sarkozy s’était toujours comporté en avocat du maintien et du développement du nucléaire dans la production d’électricité.

Il faut aussi noter que le temps fait passer du baume sur les plaies. À mesure que le souvenir de la catastrophe de Fukushima s’éloigne, la probabilité de reprise du débat concernant la construction de centrales nucléaires nouvelle génération en Italie se rapproche. Avant le grave événement japonais, Rome était à deux doigts de se lancer dans ces projets. Le Japon lui-même balance de plus en plus en faveur d’une reprise de la construction de réacteurs nucléaires, suspendue immédiatement après la catastrophe.

En attendant, un virage vers l’Est

Les sociétés américaines, européennes, et russes, comme Westinghouse, Areva, et Rosatom sont les plus grands fournisseurs mondiaux de technologies de réacteurs nucléaires. Mais aujourd’hui, les deux premiers se trouvent face à une conjoncture où leur production est moins demandée sur les marchés domestiques. De son côté, Rosatom construit un plus grand nombre de réacteurs en Russie que ses concurrents français et américains chez eux. 

Il est donc logique que ces derniers s’efforcent de pénétrer les marchés de l’Asie centrale et du Sud-Est, de l’Afrique, de l’Amérique latine et du Proche-Orient.

Plusieurs facteurs jouent un rôle dans ce mouvement. Tout d’abord, les économies de la Chine, de l’Inde, de la Malaisie, de Singapour, du Vietnam et de la Corée du Sud, qui se développent rapidement, favorisent une forte croissance de la consommation d’électricité. D’après les chiffres de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) entre 1990 et 2008, la consommation d’énergie en Chine par habitant a augmenté de 111% et en Inde, de 42%.

Deuxièmement, la lutte contre le changement climatique exige de faire appel à une énergie écologiquement propre. « L’énergie nucléaire est dans ce cas précis la solution la plus adéquate, car elle combine capacité importante et sécurité si l’on respecte les exigences réglementaires », considère Alexander Ouvarov, chef du portail d’information russe Atominfo.ru

Enfin et surtout, ces pays asiatiques disposent des capacités financières pour mettre en œuvre des projets d’infrastructures aussi importants que la construction d’une centrale nucléaire.

Plusieurs constructeurs dans ce domaine, dont une entreprise russe, proposent des solutions financières partielles, voire intégrales, pour faciliter les projets. Ainsi, Rosatom propose différentes solutions, notamment des garanties d’État, une participation au capital de la future centrale nucléaire ainsi qu’une assistance dans l’aspect opérationnel de la production d’électricité.

Il n’est pas exclu qu’une hausse de la demande en énergie nucléaire se manifeste en Europe ou en Amérique du Nord. Il faut se souvenir que ce sont justement ces régions qui ont vu naître le nucléaire, d’abord militaire, puis civil.

En Europe et en Amérique du Nord, il existe une industrie nucléaire développée qui assure, dans le sens le plus large du terme, le développement du potentiel scientifique, de technologies innovantes et de l’industrie. 

En outre, les pays en pointe dans ces régions disposent de l’arme nucléaire. Ce sont deux raisons suffisantes pour inciter les États européens et américains à ne pas abandonner leurs compétences dans l’exploitation de l’énergie nucléaire.  

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