Turkish Stream : Athènes fait une croix sur un crédit de Moscou

Le Premier ministre grec Alexis Tsipras (à droite) salue le PDG de Gazprom Alexeï Miller. Crédit : EPA

Le Premier ministre grec Alexis Tsipras (à droite) salue le PDG de Gazprom Alexeï Miller. Crédit : EPA

Le géant pétrogazier russe Gazprom a proposé à la Grèce un scénario alternatif pour financer la construction de son tronçon du futur gazoduc reliant la Russie à la Turquie. Au lieu d’un prêt, tant espéré par Athènes, Gazprom a proposé d’attirer 2 milliards d’euros d’investissements auprès de banques occidentales. Les experts estiment que Gazprom manifeste une prudence qui risque de freiner la réalisation du projet.

Les ressources pour la construction du tronçon grec du nouveau gazoduc, baptisé Turkish Stream, seront drainées auprès d’une société russo-européenne, a déclaré le PDG de Gazprom, Alexeï Miller, à l’issue de négociations à Athènes, rapporte l’agence Interfax. Jusqu’ici, la Grèce avait espéré toucher un prêt non affecté de la part de la Russie, qui devait être remboursé sous forme de paiements pour le transit après la construction du tronçon grec de Turkish Stream. Une déclaration appropriée avait été faite le 15 avril dernier par le ministre grec de l’Energie, Panagiotis Lafazanis. Certains médias étrangers (comme le Spiegel-Online) avaient même cité le montant d’une éventuelle avance : entre 3 et 5 milliards d’euros.

Turkish Stream, gazoduc d’une capacité de 63 milliards de m3, doit constituer une source de livraison alternative au transit par l’Ukraine. La conduite sera posée au fond de la mer Noire d’où elle remontera en Turquie pour aller jusqu’à la frontière avec la Grèce, où il est prévu de construire un centre de distribution de gaz. Selon la proposition de Gazprom, ce sera aux pays européens de construire les tronçons sur leurs territoires respectifs.

Manœuvre prudente

Les experts contactés par RBTH estiment que la prudence de Gazprom est dictée par des facteurs économiques et politiques.

« L’expérience de South Stream pousse toutes les parties à la prudence. Une avance préalable dès le début des négociations serait un luxe inacceptable pour le projet », a déclaré Alexandre Kourdine, spécialiste du Centre analytique auprès du gouvernement russe. Selon lui, il n’y a pour le moment aucune donnée sur les participants au projet ni sur les futurs clients parmi les sociétés européennes. « Des négociations intenses sont probablement en cours, mais l’octroi de toute ressources financières avant leur achèvement serait prématuré », a-t-il expliqué.

Les chances de drainer les 2 milliards d’euros indispensables dans le cadre d’une société russo-européenne sont élevées, a constaté pour sa part Elizaveta Belouguina, analyste de la maison de courtage FBS. Le montant du projet atteint environ 1% du PIB de la Grèce, ce qui signifie un soutien important à l’économie du pays. Les quantités promises au pompage (47 milliards de m3 par an, ndlr) rapporteront à la Grèce des centaines de millions de dollars tous les ans, a rappelé Alexandre Kourdine. Selon les données du Fonds monétaire international (FMI), la dette totale de la Grèce s’est montée l’année dernière à 174% du PIB.

La construction de Turkish Stream traînera-t-elle en longueur ?

Pour le moment, les négociations sur le nouveau gazoduc se trouvent à l’étape des déclarations d’intention. D’une part, la Grèce a confirmé son intérêt pour la construction de la conduite, ce qui est un signal positif pour les investisseurs, notamment pour d’éventuels partenaires parmi les sociétés européennes, a affirmé Alexandre Kourdine. D’autre part, il est indispensable d’obtenir le feu vert de la Turquie et de l’Union européenne pour que le gazoduc soit construit. « Selon les commentaires de responsables européens, le projet doit être examiné en détail. Pour ce qui est de la Turquie, des négociations sont actuellement en cours entre des représentants russes et turcs sur les prix. Le lancement du projet est peu probable cette année », a constaté Elizaveta Belouguina.

Les experts font remarquer que la Grèce pourrait réduire l’intensité de ses activités dans le cadre du projet. « Puisque la Grèce n’obtient pas de prêt pour les futurs paiements transitaires, le pays ne pourra pas subvenir à ses besoins immédiats. Compte tenu du fardeau des problèmes actuels, l’intérêt de la Grèce pour le projet pourrait baisser », a-t-elle expliqué. Panagiotis Lafazanis, qui a déclaré le 15 avril qu’un accord sur le gazoduc pourrait être signé « cette semaine », s’est contenté d’évoquer « ces prochaines semaines » à l’issue de négociations avec Alexeï Miller.

 

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