La Russie n’est pas parvenue à augmenter les droits de douane de l’Ukraine

Crédit photo : Pavel Palamartchouk / RIA Novosti

Crédit photo : Pavel Palamartchouk / RIA Novosti

Les autorités russes ne sont pas parvenues à stopper les flux de marchandises ukrainiennes détaxées dans le cadre de l’Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan. De l’avis des experts, cet épisode constitue le premier test sérieux de l’organisation. Toutefois, si cette dernière survit, elle contribuera à renforcer les positions de la Russie dans la distribution des flux mondiaux de marchandises.

Premier test

Suite à la signature fin juin 2014 du volet économique de l’accord d’association avec l’Union européenne par le président ukrainien Petro Porochenko, la Russie a indiqué vouloir accroître les droits de douanes appliqués aux marchandises ukrainiennes.

Le fait est qu’une section clé de l’accord d’association concerne la mise en place d’une zone de libre-échange entre l’Ukraine et l’Union européenne supposant la suppression totale des droits de douanes sur les marchandises importées.  

Dans le même temps, l’Ukraine fait également partie de la zone de libre échange de la CEI au même titre que la Russie, cette dernière craignant logiquement de voir entrer dans le pays des marchandises européennes à bas prix non-soumises aux droits de douanes.

De telle sorte que du temps où Viktor Ianoukovitch était encore à la tête de l’Ukraine, la Russie avait tablé en retour sur l’introduction de mesures de protection. La Russie devait pour ce faire s’assurer du soutien de ses partenaires au sein de l’Union douanière : la Biélorussie et le Kazakhstan.

La proposition a toutefois été rejetée au cours d’une réunion du Conseil de la commission économique eurasiatique. Selon les sources du journal économique Vedomosti, le Kazakhstan se serait en particulier opposé à la mesure de crainte que l’Ukraine ne bloque le processus d’accession du pays à l’OMC.  

Ceci n’est pas le premier exemple d’intérêts divergents entre la Russie et ses partenaires dans le cadre de l’Union douanière.  En juin 2014, le Ministère des finances de Russie a ainsi dévoilé un projet de résolution prévoyant d’abaisser la limite maximale de marchandises détaxées qu’il est possible d’acheter sur les boutiques en ligne sur internet à l’étranger, la ramenant de 1000 euros et 31 kg par mois à 150 euros et 10 kg par envoi.

Tous les colis d’un poids ou d’une valeur supérieurs seront soumis à des droits de douanes de 30%. Des sociétés basées au Kazakhstan et permettant aux Russes de contourner l’interdiction ont toutefois déjà fait leur apparition sur le marché.

Selon le quotidien économique national RBС Daily, la société Kazakhe Altin-Express propose en particulier ses services en tant qu’intermédiaire pour la livraison des commandes effectuées dans les magasins en ligne américains à destination de la Russie à travers le Kazakhstan.

Pour autant, ce transit permettant de contourner la limite de 150 euros d’achats dans les boutiques en ligne étrangères est absolument légal. A l’heure actuelle, la société expédie déjà ses colis en direction de la Biélorussie, pays dans lequel le montant maximal des achats détaxés est de 120 euros.

Amazon, eBay, Disney, Barnes & Noble, Apple ainsi que d’autres sociétés figurent déjà parmi les partenaires de la compagnie.

Actions indépendantes

L’Union douanière a été fondée en 2009, lorsque près de 40 accords internationaux ont été adoptés et ratifiés au niveau des chefs d’Etat et de gouvernements.  En 2010, l’Union douanière est entrée en vigueur sur le territoire de la Russie et du Kazakhstan, puis a été étendue à la Biélorussie en 2011.

A la suite de ces accords, les contrôles douaniers aux frontières des pays en question ont été abolis, les marchandises pouvant être enregistrées à n’importe quelle frontière extérieure de chacun de ces trois pays. A l’avenir, un certain nombre d’anciennes républiques soviétiques prévoient de rejoindre l’Union douanière, au premier chef desquelles l’Arménie et le Kirghizstan.      

Selon le directeur général de la société de conseil Arkaïm, Alexandre Dorofeev, après la désintégration de l’URSS la Russie s’est efforcée de trouver sa place au sein du système mondial de répartition des échanges de marchandises, notamment à travers la création de l’Union douanière.

« C’est pourquoi l’essentiel du potentiel d’accroissement de la productivité du travail se situe au niveau de la création d’un marché commun entre ces pays ainsi que de la création de barrières douanières supplémentaires pour les marchandises en provenance de l’extérieur de cet espace économique », indique l’expert.        

Suite au refus opposé à la proposition d’augmentation des droits de douanes s’appliquant aux marchandises ukrainiennes, la Russie est, en vertu des règlements de l’Union douanière, en mesure d’agir unilatéralement, bien qu’il n’existe à ce jour aucun précédent en ce sens.

Selon l’analyste de Finam Management Maxime Kliagine, dans le même temps, la partie russe dispose dans le cadre des infrastructures et du corpus de normes de l’Union douanière de suffisamment d’outils pour lui permettre d’agir seule, y compris en ce qui concerne la mise en œuvre de restrictions unilatérales ou de contrôles de réexportation.

« Un accord sur ces points pourra être trouvé à l’avenir à l’issue de consultations supplémentaires, l’on peut pour cela s’attendre à ce que chaque Etat-membre défende les positions qui lui sont les plus favorables », indique l’expert.      

Selon l’analyste macroéconomique d’UFS IC Vassili Oukhaskov, en dépit de l’adhésion au sein de l’Union douanière, chaque pays conserve ses intérêts nationaux propres, lesquels se situent en règle générale au dessus des intérêts de l’Union. Le même constat peut être dressé dans la quasi-totalité des organisations.

« Regardez par exemple l’Union européenne et la situation autour de la suspension des travaux du projet South Stream. Des débats très animés ont eu lieu au sein des pays d’Europe occidentale concernant la pertinence de l’adoption d’une telle décision de la part de la Commission européenne. Ce faisant, chaque pays a déterminé sa position en fonction de ses intérêts nationaux », explique l’expert.

Comme le fait remarquer l’expert, le refus de la Biélorussie et du Kazakhstan d’augmenter les droits de douanes appliqués aux marchandises ukrainiennes ainsi que le fait que le Kazakhstan soit disposé à faire transiter par son territoire des colis européens à destination de la Russie constituent des raisons insuffisantes pour s’abandonner au pessimisme.

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