Étrangers en Russie : comment lancer son entreprise ?

Crédit photo : Artem Zhitenev / RIA Novosti

Crédit photo : Artem Zhitenev / RIA Novosti

Aujourd’hui, l’on retrouve dans les grandes villes russes des entrepreneurs des quatre coins du monde

Comment lancer son entreprise?

Jusqu’au milieu des années 2000, les citoyens des pays développés croyaient que c’étaient seulement des multinationales qui étaient capables de mener des affaires en Russie : la mauvaise réputation du pays – corruption omniprésente, habitudes très particulières – effrayaient les entrepreneurs étrangers.

D’après les statistiques du Service fédéral russe des impôts (FNS), de tous les fondateurs étrangers des PME en Russie, 85% étaient originaires des pays de la CEI (entité intergouvernementale post-soviétique, dont les habitants ne sont pas vraiment considérés en Russie comme «étrangers » au propre sens), qui s’occupaient du secteur de commerce aux marchés à l’époque.

Mais aujourd’hui, l’on retrouve dans les grandes villes russes des entrepreneurs des quatre coins du monde.

Selon le FNS, 25.000 ressortissants étrangers travaillaient comme des entrepreneurs individuels en Russie en mai 2013, la proportion des citoyens de la CEI se chiffrant actuellement à 60%. À Moscou et à Saint-Pétersbourg il y a des boulangers français, des restaurateurs du Japon et de l’ex-Yougoslavie, une propriétaire italienne d’une boutique de mode et même un architecte marocain.

Créer une entreprise en Russie, est-ce difficile ou non pour un étranger? La Russie d’Aujourd’hui a analysé les défis. 

La terre des possibilités? 

« Pourquoi j’ai décidé de lancer une entreprise en Russie? Contrairement aux pays de la Communauté européenne, la crise ne se fait pas vraiment sentir ici, et le système fiscal est acceptable, le taux d’imposition des sociétés se chiffrant à 6% », dit Marouane Sbaï, architecte marocain qui habite depuis 2004 en Russie.

« Bien que la concurrence dans mon secteur soit forte, la Russie est une terre des possibilités pour développer son entreprise ».

L’Italienne Michelle Bolognani (5 ans en Russie), qui a lancé avec une amie russe une boutique de mode à Moscou il y a un an, partage cette opinion. «Contrairement à l’Europe rassasiée, la Russie accepte toutes les nouvelles idées. En plus, le marché russe se développe à un rythme incroyable, et notre entreprise connaît une croissance très rapide », dit la jeune femme.

Une heure d’attente 

Au cours des trois ou quatre dernières années, la Russie a activement travaillé sur l’amélioration du climat des affaires, en changeant notamment la législation et en simplifiant les procédures administratives, entre autres.

En conséquence, le pays a progressé en 2012 de la 120ème à la 112ème place dans le classement global Doing Business de la Banque mondiale, qui évaluent les pays selon la facilité d’y faire des affaires. Le président Vladimir Poutine projette qu’avant 2020 la Russie sera inscrite parmi les 20 premiers pays du classement. Les leaders actuels du palmarès sont Singapour, Hong Kong et la Nouvelle-Zélande. 

En effectuant leurs réformes, les autorités russes visaient principalement les procédures bureaucratiques, notamment l’enregistrement d’une entreprise. Le résultat est évident : s’il y a cinq ans, un entrepreneur pouvait passer au fisc une journée entière pour faire enregistrer sa société, maintenant, grâce à des systèmes électroniques de gestion de files d’attente et à une réglementation claire du travail des employés, le temps d’attente ne dépasse pas une heure. 

« L’essentiel, c’est de préparer attentivement tous les documents nécessaires pour obtenir un brevet d’un entrepreneur individuel, ce sont une traduction notariée du passeport, un permis de séjour temporaire soit permanent et une réception du paiement des frais d’inscription se chiffrant à 800 roubles (près de 20 euros) », dit Marouane Sbaï.

Nous ajouterons juste que si vous voulez travailler en Russie, il vous faut tout d’abord recevoir un visa et un permis de séjour. La majorité des étrangers décident de partir pour la Russie après avoir travaillé dans le pays pour d’autres compagnies. 

« J’ai décidé de m’enregistrer en tant qu’entrepreneur individuel, car pour enregistrer une société à responsabilité limitée (« OOO » en russe), une autre forme populaire d’une société, il faudrait plus de documents, sans mentionner que l’impôt est plus haut pour ce type d’entreprise. Vous en aurez besoin si vous lancez une compagnie en coopération avec un partenaire russe », raconte M.Sbaï. 

Pour enregistrer sa compagnie, un entrepreneur étranger peut s’adresser à une société de conseil. « Je suis diplômé de l’Université de l’architecture de Moscou et je parle russe couramment, mais tout de même, j’ai contacté un cabinet d’avocats pour vérifier mes papiers », dit M.Sbaï. Le coût moyen d’une consultation s’élève à près de 5 000 roubles (près de 125 euros). 

Le capital de démarrage et la langue russe

Le capital de démarrage nécessaire pour lancer une entreprise en Russie dépend bien évidemment du secteur. « Mais il ne faut pas aller dans un nouvel endroit sans avoir 10 à 15 milliers d’euros, même si vous êtes un concepteur et n’avez pas besoin d’investissements », disent les entrepreneurs interrogés par La Russie d’Aujourd’hui.

 Et d’autant plus que vous aurez besoin de trouver un logement. Le coût de location dépend de la ville : à Novossibirsk ou à Ekaterinbourg, on paie 250 euros par mois maximum pour un petit appartement avec des meubles, tandis qu’à Moscou, les prix commencent à 625 euros environ.

En plus, l’entrepreneur sera obligé d’apprendre le russe. « Vous ne réussirez rien sans parler la langue en Russie, comme dans tout autre pays. Il faut parler la langue de son consommateur », estime l’entrepreneuse lithuanienne Jolanta, dont la société de tourisme travaille en Russie et en Lituanie.

Mais quels sont les défis auxquels sont confrontés ceux qui veulent faire des affaires en Russie? « Ils sont nombreux », disent les interlocuteurs de La Russie d’Aujourd’hui.

Parmi eux un risque constant provoqué par la bureaucratie et la corruption; ainsi, en louant un espace pour votre bureau, vous serez obligés de faire face à de nombreuses inspections des services d’incendie, des hygiénistes, etc. Certes, cela existe également en Europe et en Chine.

« Avant de déménager et d’investir de l’argent dans l’enregistrement d’une personne morale, il est nécessaire d’établir un plan d’affaires, d’évaluer les particularités de la région et du secteur dans lequel vous voulez travailler », dit Andres, un Grec âgé de 32 ans qui avait tenté il y a deux ans d’ouvrir un magasin de légumes, mais a finalement échoué : il a sous-estimé la concurrence.

« J’ai perdu un peu d’argent, parce que j’ai arrêté à temps; maintenant, j’ai gagné l’expérience et je vais essayer encore une fois », explique-t-il.

« Les Russes veulent voir des investissements pour développer leurs entreprises, c’est vrai. Mais l’époque où tous ceux qui sont venus en Russie de l’Occident, étaient vénérés, est passée. Pour réussir aujourd’hui, il faut proposer une qualité et une efficacité supérieures », conclut Jolanta.

Informations pratiques

Quelques informations pratiques :

La différence principale entre une société à responsabilité limitée (« OOO ») et le statut d’un entrepreneur individuel (« IP ») est la procédure d’enregistrement. Pour devenir un entrepreneur individuel, il faut s’adresser dans un bureau local du fisc et y présenter les documents personnels.

Après avoir passé toutes les procédures et avoir payé les frais d’inscription (près de 20 euros), il reste seulement de recevoir les documents et d’ouvrir un compte bancaire.

Pour enregistrer une société à responsabilité limitée, il faut posséder un capital d’au moins 250 euros et le règlement de la société par écrit (vous pouvez trouver des exemples en ligne). C’est seulement une personne qui peut devenir une entrepreneur individuel; s’il s’agit d’un partenariat, il faudra enregistrer une société.

Une autre différence entre une OOO et un IP : niveau de responsabilité. En cas de quelques plaintes ou violations, un entrepreneur individuel risque ses biens, tandis qu’une OOO risque une partie de son capital.

Les deux types de personnes morales ont en outre des systèmes de taxation différents. Un entrepreneur paie une taxe des sociétés de 6%, tandis que les OOO avec un revenu de plus de 1,5 millions d’euros, ont un régime normal d’imposition (les OOO avec un revenu de moins de 1 M EUR peuvent bénéficier d’un régime simplifié d’imposition).

L’enregistrement d’un entrepreneur individuel pour un étranger est possible si le candidat a un permis de travail avec le droit de travailler sur le territoire de la Fédération de Russie en conformité avec les normes du droit international. Vous pouvez obtenir un permis dans le Service fédéral des migrations.

En outre, pour obtenir le statut d’un entrepreneur, un ressortissant étranger doit posséder une immatriculation temporaire ou permanente (c’est-à-dire, une adresse) en Russie.

Quelques liens utiles

Citations

Luc Jones

associé de la société de recrutement Antal Russia

Je suis en Russie depuis déjà très longtemps : 11 ans. Ma toute première impression du pays était un peu étrange. D’après moi c’était dans les années 90, j’étais encore étudiant. Je suis arrivé en Russie et je me souviens que j’ai changé en roubles 10 livres sterling britanniques.

Je ne suis pas parvenu à les dépenser avant la fin de mon voyage. Il n’y avait rien à acheter, absolument rien. Bien entendu, mon impression de la Russie a profondément changé, en même temps que le pays lui-même.

Quant à la réponse à la question de savoir pourquoi je vis et je travaille ici, c’est très simple. À Moscou il y a actuellement environ 300 cabinets de recrutement et à Londres, ville de 8 millions d’habitants, l’on trouve 15 000 sociétés de recrutement. Ces chiffres démontrent clairement qu’en Europe tout a été fait depuis longtemps, mais que le marché russe peut encore grandir et se développer.

Par ailleurs, les taux d’imposition sont très bas ici. Les salaires proposés aux expatriés dépassent souvent leurs rémunérations potentielles dans leur pays d’origine. Pendant les années de crise, le nombre d’étrangers travaillant en Russie a chuté de façon spectaculaire : en 2009 il restait en Russie 50% du nombre total d’expatriés présent en 2008.

Mais ensuite, beaucoup ont commencé à revenir. Ce n’est pas étonnant : la Russie offre beaucoup d’opportunités. Voilà une terre vierge vers laquelle se tourner.   

Olaf Koens, journaliste, écrivain

J’ai fait connaissance avec la Russie en 2006, lorsque je suis arrivé pour un cours de langue russe de deux mois à l’Université russe de l’Amitié des Peuples. J’ai été stupéfait dès le premier coup d’œil. Je suis né dans un petit village, j’ai toujours vécu dans de petites villes et pour moi Moscou était un endroit tout simplement inimaginable : gigantesque, plein d’énergie, d’adrénaline.

Cette ville ne dort jamais, ici tout est possible, à n’importe quel moment de la journée. Et lorsque je suis rentré en Europe, j’ai compris : il faut que je retourne là-bas.

Quant à Moscou, la ville n’est pas effrayante, le taux de criminalité n’est pas si élevé. Parfois j’ai peur de regarder les prix dans les magasins mais en ce qui concerne la sécurité, à Moscou je me sens en confiance. En revanche, la Russie devient terrible, incompréhensible, quand tu voyages beaucoup à travers le pays et que tu es confronté à des situations qui font vraiment peur.

Mes amis ne sont pas surpris par ma décision de partir vivre en Russie. Récemment, j’ai remarqué que la moitié de mes camarades de classe des Pays-Bas ont déménagé à l’étranger. Je pense que les Hollandais ont dans le sang ce désir de changer d’endroit.

Ce qui me surprend réellement c’est que beaucoup en Europe s’imaginent que la Russie se trouve quelque part, très loin. Tu commences à expliquer qu’un vol Amsterdam - Saint-Pétersbourg ne prend que trois heures et les gens n’en croient tout simplement pas leurs oreilles.   

Ce que je réponds en premier lorsque l’on me demande pourquoi il faut aller en Russie, c’est qu’ici vivent des personnes sublimes. Vous savez, aux Pays-Bas vous pouvez vraiment passer des moments joyeux avec des inconnus, parler, rire, s’amuser.

En Russie, ils ne discutent pas avec les personnes qu’ils ne connaissent pas, ici les gens semblent très réservés et peu accueillants, mais seulement dans un premier temps. C’est incroyable de voir comment les gens changent quand tu te rapproches d’eux. Ici si quelqu’un te considère comme son ami, il sera pratiquement toujours disponible et prêt à t’aider.

Il y a bien sur des choses désagréables comme la corruption, le pathos…Mais rien qui puisse me faire quitter ce pays. Pour l’instant je trouve que travailler en Russie est beaucoup plus intéressant.

Ricardo Marquina, journaliste

Je vis en Russie depuis déjà 5 ans, je suis parti d’Espagne et j’ai déménagé ici en tant qu’envoyé spécial pour la télévision espagnole. Aujourd’hui je collabore avec beaucoup de monde, y compris les médias russes.

Je me souviens de ma première impression de la Russie : un pays fou. Et pour être honnête, mon opinion sur ce pays n’a pas changé depuis lors. Il me semble que la Russie est un pays très libre et j’aime ce sentiment de liberté.

J’aime aussi qu’elle soit si vaste : la Russie impressionne de part son étendue, sa diversité. Ici vivent des gens merveilleux. Mais bien entendu, pour surmonter toutes les difficultés de la vie quotidienne en Russie, il faut faire preuve de patience.

Pour l’instant je n’ai pas l’intention de quitter la Russie, mais pour être honnête je m’efforce généralement de ne pas faire de plans.

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