Makine à l’Académie française: un vibrant hommage à la langue française et à sa patrie

Andreï Makine.

Andreï Makine.

Christine Mestre
​Élu à l'Académie française au fauteuil d'Assia Djebar, Andreï Makine a été reçu sous la Coupole le jeudi 15 décembre par l'académicien Dominique Fernandez.

Andreï Makine. Crédit : Christine MestreAndreï Makine. Crédit : Christine MestrePortant l’habit vert conçu par Giorgio Armani, son épée d’académicien en main, de son pas solide et large de marcheur, il se dirige vers le fauteuil qui lui est destiné pour son discours de réception. Selon la coutume, Andreï Makine a rendu hommage à celle qui le précédait au fauteuil n°5 et qui comme lui avait choisi le français comme langue d’écriture. Convoquant à travers les siècles Pierre le Grand lors de sa visite aux académiciens, la grande Catherine : « Voltaire m’a mise au monde », et les hommes de lettres russes qui « vénéraient ces écrivains et ces penseurs qui, pour défendre leur vérité, affrontaient l’exil, le tribunal, l’ostracisme exercé par les bien-pensants, la censure officielle… », l'écrivain s’attache à définir la « francité »,  véritable clé de cet attachement.

« Le français m’est une langue marâtre », écrivait Assia Djebar et l’écrivain de constater qu’« adopter une langue étrangère en écriture peut être vécu comme une rupture de pacte, la perte d’une mère … ce choix d’une nouvelle identité linguistique serait-il une bénédiction, une nouvelle naissance ou bien un arrachement à la terre des ancêtres, la trahison de nos origines, la fuite d’un fils prodigue ? ».

Avec la pudeur qu’on lui connaît, Makine se gardera d’évoquer les attaches et les ruptures de l’enfance, notamment l’absence de la mère dont le manque traverse toute son œuvre. Il préfèrera placer son destin et celui d’Assia Djebar au-delà des dilemmes et des souffrances individuelles, sur le terrain de l’Histoire ; il évoque le drame algérien, les victimes du terrorisme et « le martyre de tant de peuples… sacrifiés sur l’autel du nouvel ordre mondial globalitaire ».

Déplorant le « déferlement des best-sellers anglo-saxons et de l'autofiction névrotique parisienne », dénonçant l’abrutissement programmé des populations, Makine rappelle au passage « les gouvernants qui revendiquent, avec une arrogance éhontée, leur inculture » avec d’autant plus de force qu’il juxtapose à cette ignorance revendiquée – ce sera la seule confidence – l’exaltation du jeune Soviétique qu’il fut à la lecture d’un livre français obtenu après maintes embûches.

Gageons que cette sincérité ne plaira pas, mais Makine par son discours illustre à merveille cette « haute conception de la parole littéraire » portée par les hommes de lettres français qui l’a amené, comme tant de Russes avant lui, vers la langue française. Il aura une place singulière à l’Académie française où Dominique Fernandez désigné pour l’accueillir conclut : «  … votre œuvre est un chant d'amour à la Russie humiliée – d'autant plus aimée qu'elle est plus humiliée. C'est pourquoi, monsieur, vous êtes irremplaçable à mes yeux »

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