« Partizaning » : ce civisme urbain et militant

Les actions des activistes du Partizaning sont souvent classées comme infractions administratives. Par exemple, le traçage non-autorisé d’un passage piéton est passible d’une amende de près de 37 euros. Source : Didier Courbot

Les actions des activistes du Partizaning sont souvent classées comme infractions administratives. Par exemple, le traçage non-autorisé d’un passage piéton est passible d’une amende de près de 37 euros. Source : Didier Courbot

Sans aucune participation de l’administration de la ville, les membres du mouvement Partizaning organisent des passages piétons, installent des bancs dans les cours, créent un environnement confortable pour les clochards, dressent des cartes des pistes cyclables de la ville et font d’autres choses pour améliorer Moscou.

Le but principal du Partizaning [du mot russe « partizan », signifiant en russe « guérillero », ndlr], c’est d’améliorer la ville et de modifier son infrastructure en autonomie, sans attendre que les autorités municipales prennent les mesures nécessaires par elles-mêmes. Les activistes du mouvement s’occupent de presque tous les aspects de l’infrastructure urbaine, y compris des passages piétons, des panneaux routiers, des pistes cyclables, des troittoirs, des cours, etc.

Le mouvement a été créé grâce aux efforts des deux Moscovites, Anton « Make » Polski et Igor Ponossov. Anton a commencé par dresser une carte de Moscou pour les cyclistes, la capitale russe étant loin derrière les villes européennes en termes du niveau de développement des infrastructures cyclables. Au cours de ses déplacements quotidiens en vélo, M.Polski s’est mis à marquer sur la carte les routes les plus commodes. Ainsi, il a d’abord dressé une carte papier, avant de la convertir en un format électronique. L’initiative du cycliste a attiré l’attention des médias, et son mouvement a ensuite commencé à gagner en popularité.

Les activistes du Partizaning réalisent de nombreux projets locaux dans la ville, essayant de rendre plus convivial l’environnement et d’améliorer la qualité de vie en général. Ainsi, ils se déguisent en cantonniers et tracent des passages piétons dans les endroits où ça leur semble nécessaire, installent des bancs et des panneaux routiers faits maison. Certes, leurs initiatives ne sont pas toujours appréciées : les bancs sont souvent volés ou cassés, et les panneaux routiers sont enlevés.

Mais ça ne va pas si mal que ça : par exemple, quelques jours après que les activistes eurent créé un passage piéton sur l’une des rues moscovites, des vrais cantonniers sont arrivés sur les lieux et ont enlevé le passage improvisé avant de tracer un autre, officiel, et d’installer un panneau routier correspondant.

« Par nos activités, nous voulons montrer aux gens qu’ils sont capables de changer le monde. Il ne faut pas attendre que les fonctionnaires décident de faire quoi que çe soit. Il faut agir par soi-même », dit Igor Ponossov.

Igor, Anton et leurs collègues du mouvement essaient de mener des recherches et des sondages pour apprendre ce qui manque le plus aux résidents de tel ou tel quartier. Les activistes installent dans la ville des boîtes à idées, interrogent les habitants locaux et discutent avec des internautes. Selon Igor, plusieurs résidents se prononcent contre l’installation de bancs dans leur cours, ces derniers attirant les clochards, les alcooliques et une jeunesse bruyante. Souvent, les gens enlèvent même les bancs « officiels », installés par les autorités de la ville.

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« Nous travaillons maintenant sur le concept des zones spéciales destinées aux alcooliques et à ceux qui aiment boire dans les cours. Ces gens n’ont pas actuellement d’endroits où ils peuvent se réunir. Ceci les empêche de mener une vie sociale et conduit en effet à l’exclusion de la société des marginaux. On pourrait faire pour eux des bancs spéciaux avec des bacs à sable pour éteindre les cigarettes et des boîtes pour bouteilles. Mais, bien évidemment, ce n’est qu’un concept et, peut-être qu'il ne sera pas réalisé », explique Igor.

Les « guérilleros » de l’aménagement ont de nombreuses idées, mais certaines d’entre elles ne sont pas réalisées faute de temps et de moyens. Tous les projets du mouvement sont financés par les activistes ou avec les fonds recueillis auprès des gens qui partagent leurs opinions. Si une personne veut changer quelque chose dans la ville, mais ne peut pas participer personnellement au projet, elle peut transferer de l’argent au porte-monnaie électonique du mouvement pour que les autres activistes mettent en oeuvre ses idées.

En outre, Igor Ponossov et Anton Make ont créé le site du mouvement, www.partizaning.org, utilisé pour publier les rapports sur les projets réalisés, partager l’expérience et parler d’initiatives similaires d’autres pays. « Nous collectons sur le site des informations sur divers projets urbains, que nous considérons  comme proches de Partizaning. Il y a une initiative européenne similaire, baptisée « l’urbanisme tactique ».

« La différence entre les deux mouvements est dans l’attitude sur l’art urbain : il se présente au second plan pour nous, tandis qu’en Occident, c’est l’essentiel, car là-bas, ce sont des designers, des artistes et des architectes qui s’engagent dans l’urbanisme tactique. C’est pourquoi, pour eux, c’est le visuel qui est au premier plan, et pour nous, c’est la fonctionnalité. Leurs actions sont alors plus belles et propres, tandis que les nôtres sont plutôt marginales», explique Igor Ponossov.

Les actions des activistes du Partizaning sont souvent classées comme infractions administratives. Par exemple, le traçage non-autorisé d’un passage piéton est passible d’une amende de près de 37 euros. Les « guérilleros » sont bien conscients de la nature « anarchique » de leurs actions mais croient que c’est le seul moyen de changer les choses pour le mieux.

Depuis assez longtemps, le Partizaning a commencé à se propager à travers le pays. Des interventions similaires à celles qu’organisent Igor, Anton et leurs amis, sont régulièrement tenues à Saint-Pétersbourg, à Novossibirsk et dans d’autres villes russes. Cependant, il n’existe pas de système commun, et le mouvement se développe spontanément. Certains croient que le Partizaning est trop anarchique pour avoir une influence réelle sur la vie urbaine. Mais, malgré tout, les activistes déploient tous leurs efforts pour prouver le contraire, en traçant des passages piétons et en installant des bancs.

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