Alexey Sorokin éblouit New York

Il est impossible de trouver dans le travail d’Alexey Sorokin les éléments folkloriques qu’utilisent d’autres créateurs russes. Pas de matriochkas stylisées, ni de valenki (bottes de feutre, ndltr) ou de motifs Khokhloma. Crédit photo : Victoria Jana

Il est impossible de trouver dans le travail d’Alexey Sorokin les éléments folkloriques qu’utilisent d’autres créateurs russes. Pas de matriochkas stylisées, ni de valenki (bottes de feutre, ndltr) ou de motifs Khokhloma. Crédit photo : Victoria Jana

Le Pier 57 de New York a offert un cadre spectaculaire à la collection futuriste et contre-utopique du créateur russe Alexey Sorokin.

Alexey Sorokin éblouit New York

Inconnu au bataillon, ce jeune homme de 28 ans originaire de Kostroma (200 km de Moscou) a visé juste avec une ligne originale pleine de couleurs minérales, des coupes suprématistes et des masques élégants qui évoquaient à la fois l’anonymat des provocatrices de Pussy Riot et une version féminine d’Ironman.

Son défilé s’est tenu tout à la fin de la Fashion Week de New York, et le lieu était plein à craquer de fashionistas et d’émigrés russes. « Homo Consommatus » présentait des modèles vivants qui improvisaient devant une installation vidéo sur l’embarcadère, mais ce sont surtout les vêtements qui ont subjugué les spectateurs.

Il faudra attendre des semaines, des mois même, avant de savoir si Sorokin est parvenu à vendre sa ligne à l’industrie de la mode de New York.

Susan Scafidi, professeur de droit de la mode à l’Université de Fordham considère que la collection est un jeu sur les paradoxes : « Des silhouettes menues mêlent des volumes souples avec la dureté du cuir ; une histoire de couleurs mitigée de blanc neige, sang-de-bœuf, bleu profond et or qui mélange références post-apocalyptiques et reflets des enluminures d’un manuscrit médiéval ». Pour ce qui est de l’avenir de Sorokin dans la mode américaine, Scafidi ne doute pas que « pour commencer, des boutiques connues pour leur avant-gardisme comme Opening Ceremony ou des grand-magasins comme Barneys peuvent mettre en relations Alexey et les clients intéressés par son point de vue ».

Crédit photo : Victoria Janashvili / DEPESHA

« C’est très nouveau et très inhabituel », s’est enthousiasmé Maxime Sapojnikov, critique de mode pour Glamour Russie venu assister au défilé. « C’est un morceau très conceptuel et la rudesse de Pier 57 œuvre parfaitement à souligner les particularités de la marque. J’imagine aisément certains de mes amis vedettes portant les vêtements d’Alexeï un soir où ils veulent impressionner. Je suis convaincu que ce défilé est un premier pas vers un grand avenir ».

« Je suis très reconnaissant à tous les invités pour leur réponse sincère », a confié Sorokin après le défilé du 12 septembre. « Je sens que la première étape est achevée ».

Ce qui en a surpris plus d’un, c’est qu’il est impossible de trouver dans le travail d’Alexey Sorokin les éléments folkloriques qu’utilisent d’autres créateurs russes. Pas de matriochkas stylisées, ni de valenki (bottes de feutre, ndltr) ou de motifs Khokhloma. Ses influences semblent plus proches de Ziggy Stardust que de Valentin Yudashkin. « Je veux que mes créations soient contemporaines », insiste Alexey. « Sans référence à des couches culturelles ou des périodes historiques précises. J’aime définir mon style comme « post-mondialisation ».

Une poignée de créateurs russes émigrés vivent et travaillent déjà avec succès dans la mode à New York. Sorokin, lui, vit et travaille à Saint-Pétersbourg et ce fut sa première incursion aux États-Unis. En 2008, il est sorti diplômé de l’Académie d’art et d’industrie Stieglitz. Ces trois dernières années, il a montré ses collections en Europe et a vendu ses vêtements dans des boutiques de Saint-Pétersbourg. Ses clientes sont des femmes âgées de 25 à 45 ans. Et son plus grand défi, dit-il, est de « trouver des matériaux de haute qualité et de s’entendre avec le service des douanes russe ».

« J’achète les tissus en Italie et en Ecosse car, malheureusement, il est impossible de trouver de bons tissus en Russie », explique le jeune créateur.

Le prochain défilé de Sorokin est prévu en octobre à Saint-Pétersbourg. « Difficile parfois d’identifier ta source d’inspiration, ça vient principalement de l’intérieur, explique-t-il. Mais j’adore mon métier et c’est ça qui compte ».


Les commentaires des spécialistes de la mode

La correspondante du service culture de la Russie d’Aujourd’hui, Xenia Grubstein, a discuté de la collection d’Alexey Sorokin avec des spécialistes de la mode. Quelques citations :

Ian Mackintosh, directeur de la communication de l’Ecole de la mode de l’Academy of Art University de San Francisco : « Dans ces collections d’avant-garde, il a des pièces qui intéresseraient un acheteur aussi bien américain qu’européen. On recèle une influence fétiche dans certaines pièces, et romantiques dans d’autres. Sorokin doit maintenant établir un réseau de soutien à New York pour promouvoir sa marque ».

James Goldstein, multimillionnaire excentrique, vêtu d’un blouson de motard doré et d’un chapeau à large bords noir : « C’était une présentation brillante, j’ai vu des milliers de défilés, mais j’ai vraiment aimé celui-là ».

John Magzalcioglu, représentant du Diamond Club International : « Ce n’était pas évident d’apprécier les tissus de loin. C’était très indépendant ». (Le défilé ne s’est pas déroulé sur un podium traditionnel mais les mannequins ont défilé devant une vidéo, à une certaine distance du public).

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