Les États-Unis doivent tirer les leçons de la mort de leur ambassadeur en Libye

L’ancien ambassadeur russe en Libye Veniamin Popov : « La résolution militaire des problèmes religieux, nationaux, ethniques, n'est plus possible au 21ème siècle ». Crédit : Itar-Tass

L’ancien ambassadeur russe en Libye Veniamin Popov : « La résolution militaire des problèmes religieux, nationaux, ethniques, n'est plus possible au 21ème siècle ». Crédit : Itar-Tass

L’ancien ambassadeur de Russie à Tripoli considère que la mort de l’ambassadeur américain en Libye est due aux erreurs de la politique de Washington. Entretien.

Mardi 11 Septembre, l'ambassadeur américain en Libye Christopher Stevens et trois employés de l'ambassade ont trouvé la mort dans une attaque à la roquette dans la ville libyenne de Benghazi. L’agression a été commise par des militants du groupe « Ansar al-Sharia ». Selon leur déclaration, l'attaque était une réponse à l’apparition sur Internet du film tourné aux États-Unis L’innocence des musulmans, dans lequel, selon les militants, le Prophète Mahomet est présenté sous un jour offensant. En outre, à la veille de l’agression, une mission diplomatique américaine a été attaquée dans la capitale de l'Egypte voisine.

La dernière fois qu'un incident similaire s'est produit avec un diplomate américain remonte à 1979 lorsque l'ambassadeur américain Adolph Dubs a été kidnappé et assassiné  en Afghanistan. Sa mort a entraîné un brusque durcissement de la politique de Washington envers l'Afghanistan et a été l'une des causes de la guerre qui suivit plus tard dans ce pays. Washington changera-t-il d'attitude envers Tripoli, quelles sont les véritables causes de la tragédie, et quelles leçons les États-Unis doivent tirer, telles sont les questions auxquelles a répondu lors d'une interview l’ancien ambassadeur russe en Libye, directeur des relations extérieures du Fonds de soutien de la culture islamique, de la science et de l'éducation, Veniamin Popov.

Vzgliad : Les États-Unis vont-ils rompre les relations diplomatiques avec la Libye ?

Veniamin Popov : Je ne pense pas que les Américains vont rompre la relation. La Libye est un pays très riche. Ils ont un très bon pétrole, les Américains ne vont pas disparaître comme ça. Actuellement, ils essaient de minimiser l'importance de ces événements, afin de souligner la coopération avec la Libye et ainsi de suite.

Vzgliad : Vont-ils geler le programme  d’aide à la Libye ?

V.P.: Pendant une certaine période, ils vont agir avec plus de prudence, car ils doivent réagir. S'ils ne font aucun geste, cela veut dire que demain on va leur tirer dessus et les tuer. C’est impossible. Si vous tirez sur des diplomates comment peut-on mener un dialogue?

Vzgliad : Quelles sont les chances pour que les autorités centrales retrouvent les assaillants ?

V.P.: Benghazi n'est pas une grande ville, pas assez pour que les gens ne sachent pas qui a fait ça. Je pense qu'ils vont les trouver, pourront-ils les arrêter, c’est une vaste question. En Libye d'énormes stocks d'armes se sont propagés. Maintenant, tout le monde est armé dans ce pays.

Vzgliad : Les Américains ne vont-ils pas se mordre les doigts d’avoir tant aidé les insurgés il y a un an en Libye, ce qui a fait prospérer Al-Qaïda dans le pays ?

V.P.: Les Américains et les troupes de l'OTAN ont bombardé la Libye. Au final ils payent eux-mêmes les pots cassés. Ce sont les fruits de leurs propres bombes. Le pays est divisé. On ne sait pas s’il va se maintenir comme un seul État. Dans diverses régions, de très nombreuses tribus veulent l'indépendance complète. Nos partenaires américains et européens ont une bonne raison de réfléchir à ce qu'ils font en Syrie, où ils soutiennent Al-Qaïda et toutes sortes d'éléments extrémistes. Selon l'AFP, il n'y a pas moins de six mille partisans d’Al-Qaïda là-bas. Il s'agit d'une politique à courte vue. Nous devons réaliser que de s'immiscer en Syrie par la force armée est tout à fait exclu.

Vzgliad : Qu'aurait du alors faire la communauté internationale il y a un an ? Pousser les parties hostiles à un compromiis et organiser des élections libres ?

V.P.: Bien sûr! La résolution militaire des problèmes religieux, nationaux, ethniques, n'est plus possible au 21ème siècle. La supériorité militaire ne signifie plus rien. S'il reste un peu de bon sens, alors il faut forcer les différents groupes du conflit syrien à s’asseoir à la table des négociations. La guerre civile ne se termine jamais bien. Je suis vraiment attristé pour les pauvres diplomates américains. Ils ont souffert pour rien. Mais ceci est une conséquence des échecs de la politique américaine. Toutefois, nous devons comprendre les causes de tout cela, qui sont liées au fait qu’un Etat a été bombardé. Comment le recréer, c’est désormais difficile à dire. Maintenant, les Américains veulent répéter l'expérience avec la Syrie, voilà ce qui est dangereux. Il faut tirer quelques leçons. Espérons que cela sera fait.

Contexte

Si les ambassades constituent une cible traditionnelle des terroristes, les cas les plus tragiques se produisent généralement hors des murs des ambassades. En juillet 2012, le chef de la mission du Venezuela au Kenya, Olga Fonseca, a été étranglée à son domicile dans la capitale, Nairobi. En septembre 2008, un attentat à Islamabad (Pakistan) a tué l'ambassadeur tchèque Ivo Zdarek. En juillet 2005, deux chefs de missions diplomatiques sont morts à Bagdad: l’ambassadeur d'Algérie Ali Belaroussi et l’ambassadeur égyptien Ihab al-Chérif. Au printemps 2003, l’ambassadeur saoudien Mohammed Rashid Ahmed a été tué dans la capitale de la Côte d'Ivoire, Abidjan.

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