La chasse au moule

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Les mets de la Pâque orthodoxe reflètent les symboles liturgiques de la résurrection, du triomphe de la lumière sur les ténèbres, et du retour du printemps

Les mets de la Pâque orthodoxe reflètent les symboles liturgiques de la résurrection, du triomphe de la lumière sur les ténèbres, et du retour du printemps. Durant la Semaine sainte, les Russes préparent une sorte de brioche traditionnelle pascale, le koulitch, et colorient des œufs durs. Puis, les chrétiens orthodoxes portent ces mets dans leur paroisse pour une bénédiction pascale. Avec la paskha, un formage blanc épais, sucré, truffé d’épices et de fruits confits, ce sont les spécialités fondamentales du festin de Pâque, qui suit la longue messe nocturne, ponctuée des exclamations « Le Christ est ressuscité ! » (auxquelles les fidèles répondent « En vérité il est ressuscité ! ») En slavon d’église, cette phrase est rendue par les initiales « XB » qui sont un motif décoratif récurrent sur les œufs, la paskha et le koulitch.

Photos: Itar-TASS

 

Je me souviens de ma première Pâque russe comme d’une chasse frénétique non pas aux œufs et chocolats, mais aux ustensiles de pâtisserie. Je dispose d’un arsenal important de pots, poêles, et autres moules à tartes, mais aucun ne convient aux spécialités pascales. Je voulais faire les choses bien : le koulitch est cylindrique, élancé, et coiffé d’un chapeau, comme un champignon. La paskha est préparée dans un moule en forme de trapèze, appelé pasotchnitsa, et décoré de « XB » ou de la croix orthodoxe sur chaque face, qui s’impriment dans le fromage.

 

C’est toujours plus difficile de trouver quelque chose en Russie que dans le reste du monde. J’ai commencé par la pasotchnitsa, en me disant, à juste titre, que l’épreuve principale était celle-là. J’ai rodé en vain dans les supermarchés et les magasins de cuisine spécialisés, j’ai fait un tour au marché, sans rien trouver sauf quelques bons conseils. La paskha est faite à partir de crème, formage frais ou tvorog, œufs et beurre. Je me suis jetée sur les dames aux joues roses qui colportent ces produits au marché.

 

« Essayez les églises », ont-elles conseillé. Évidemment. J’étais sur la bonne piste, enfin. Après un détour par trois églises de quartier et la boutique du monastère Danilovsky, je suis allée directement à la source, le magasin de biens d’église, Sofrino, au cœur de Moscou, où l’on peut acheter tout et n’importe quoi d’orthodoxe : du petit cierge à deux roubles au baptistère en marbre à 13 millions de roubles. Il restait une pasotchnitsa. J’ai retenu mon souffle pendant que quatre prêtres me doublaient dans la file (apparemment, ils ont le droit) pour faire le plein d’eau bénite et de couronnes de fiançailles. Mais j’au eu de la chance, la pasotchnitsa précieuse était désormais entre mes mains.

 

Mais le moule a koulitch s’est avéré être encore plus insaisissable. Rien au magasin ecclésiastique, pas plus que dans les rayons du supermarché, dont les plats et moules étaient soit trop peu profonds, soit trop petits. De retour à la maison, j’ai fondu en larmes de rage.

 

« Qu’est ce qui ne va pas ? », m’a demandé mon mari russe. Entre deux hoquets, je lui ai expliqué que notre Pâques était définitivement gâchée parce que je n’avais pas trouvé de moule à koulitch. Il a disparu dans le garde-manger, en gloussant, pour en rapporter quatre boites de conserves de tailles différentes, qui contenait des tomates, du café, des haricots et des champignons marinés.

 

« Moules à koulitch », dit-il. « En vérité, moules à koulitch », j’ai répondu en riant moi aussi.

 

Paskha :

C’est la preuve tangible que le carême est terminé, car tous les produits proscrits y sont mélangés. Sucrée et crémeuse, la paskha se marie parfaitement avec le koulitch, un peu sec. En fait, on n’imagine pas l’un sans l’autre.

Ne vous laissez pas décourager par l’absence d’une pasotchnitsa traditionnelle. Un moule agnostique mais serviable fera l’affaire.

 

Ingrédients :

750 g de tovorog entier (fromage blanc)

500 g de sucre

5 jaunes d’œufs

450 ml de crème épaisse

500 g de beurre doux

2 tasses de fruits confits

2 c. à soupe d’extrait de vanille

3 c. à soupe de liqueur sucrée (Cointreau ou Grand Marnier)

 

Recette :

  1. Battez les jaunes d’œufs et incorporez le sucre pour obtenir une masse homogène.

  2. Écrasez le beurre dans un récipient séparé puis ajoutez-y les jaunes d’œufs au sucre.

  3. Égouttez le fromage blanc à travers une passoire fine puis mélangez avec le beurre, sucre et œufs, jusqu’à l’obtention d’une masse crémeuse.

  4. Ajoutez la crème, la vanille et la liqueur, mélangez.

  5. Incorporez la tasse de fruits confits.

  6. Tapissez le moule avec de la gaze. Versez le mélange dans le moule, couvrez avec un couvercle ou une assiette et posez un objet lourd dessus, pour presser.

  7. Laissez refroidir au frigo pendant au moins 12h.

  8. Démoulez la paskha et décorez de fruits confits. Gardez au frais jusqu’au service.

 

Kulitch

 

Ingrédients :

2 sachets de levure active sèche

1,5 kg de farine

¾ c. à thé de sucre

350 mg de sucre en poudre

5 jaunes d’œufs

300 ml de lait entier, bouilli puis refroidi à 50°C

225 g de beurre, fondu et refroidi à 45°C

2 blancs d’œufs battus en neige

6 brins de safran dilués dans 2 c. à soupe de rhum

2 tasses de fruits confits (j’utilise un mélange de raisins secs, gingembre confit, cerises sèches et peaux d’orange confites)

1/3 tasse d’amendes pillées.

Beurre

Dorure à base de jaune d’œuf, huile végétale et eau

2 tasses de glaçage (sucre)

 

Recette :

  1. Beurrez les boites de conserve en aluminium puis tapissez le fond et les parois de papier sulfurisé.

  2. Mélangez jaunes d’œufs, 6 c. à soupe d’eau, 1c. à soupe de sucre et farine dans un bol. Couvrez et laissez reposer dans un endroit chaud.

  3. Battez les jaunes d’œufs et le sucre vigoureusement pendant 5 minutes, puis ajoutez le lait, la farine, et le sel. Pétrissez pendant 2 minutes.

  4. Ajoutez la levure, pétrissez pour mélanger.

  5. Ajoutez progressivement le beurre fondu, en battant modérément. Laissez la pâte reposer 2 minutes puis testez l’élasticité. Au besoin ajoutez de la farine.

  6. Ajoutez les blancs en neige et le mélange safran-rhum. Quand la pâte est bien mélangée, ajoutez les fruits confits et les amandes.

  7. Couvrez la pâte et laissez lever pendant 2–3 heures dans un endroit chaud, jusqu’à ce qu’elle double de volume.

  8. Pétrissez la pâte un peu puis laissez de nouveau lever 2 heures.

  9. Répartissez la pâte dans les conserves pour qu’elle remplisse un peu plus de la moitié de la boîte. Laissez un peu de pâte de coté. Couvrez et laissez encore lever une heure.

  10. Préchauffez le four à 180°C.

  11. Faites des lanières avec le reste de la pâte et disposez sur la pâte dans chaque moule, en forme de croix.

  12. Dorez le dessus de la pâte dans chaque moule et placez dans le four. Laissez cuire pendant 15–20 minutes, puis augmentez la température à 200°C. Les petites boites cuiront plus vite que les grosses. Le koulitch est prêt quand un couteau ou une allumette planté dedans ressort net.

  13. La touche finale est une petite sagesse paysanne qui fait son miracle : couvrez un coussin moelleux avec un torchon et déposez la boite de conserve avec le koulitch sur le flanc, sur le coussin. Faites rouler doucement la boite pour libérer le koulitch. Laissez refroidir le koulitch couché sur le coussin pendant 40 minutes. Replacez-le à la verticale et glacez avec le glaçage de votre choix. Utilisez les restes de fruits confits et amandes pour décorer.

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