Kaliningrad : petite région et grandes questions

Le centre-ville de Kaliningrad. Photo : DR

Le centre-ville de Kaliningrad. Photo : DR

L'Union Européenne (UE), en préparant son élargissement en 2004, avait peur que la région de Kaliningrad, coupée du territoire principal de la Russie et voisine de la Lituanie et la Pologne, ne devienne un « trou noir », une source d'instabilité. Le problème de la circulation des habitants de Kaliningrad entre leur région et le « continent » a été résolu, même si la Russie a dû accepter les « ersatz-visas » (documents délivrés conformément à des formalités simplifiées sur présentation du passeport international, pour transiter par la Lituanie). Beaucoup voient dans ces visas le problème majeur de la région de Kaliningrad, ce qui n'est pas tout à fait juste.
Le plus gros problème de Kaliningrad reste le niveau de vie de la population locale. Les manifestations qui ont réuni des milliers de personnes fin 2009 - début 2010 en sont la preuve. Si l’on compare la situation de Kaliningrad avec d'autres entités territoriales de la Fédération de Russie, la région se situe quasiment parmi les plus prospères. Mais cette comparaison n'est pas suffisante. Il faut également faire la comparaison avec les régions similaires des pays voisins, la Lituanie et la Pologne, où les habitants de Kaliningrad se rendent plus régulièrement qu'en « grande » Russie (on dit souvent de la population locale qu’elle a un tempérament insulaire).

La région de Kaliningrad est en même temps une exclave de la Fédération de Russie et une enclave de l'UE. Et la source de toutes les difficultés réside dans cette situation ambiguë qui complique tout ce qui est lié à l'étranger et à l' « éloignement » de la Russie : le transit des passagers, des cargaisons, des produits énergétiques, les problèmes de visas et de douane en zones frontalières, etc. De plus, les autorités fédérales russes ne sont pas toujours cohérentes et créent parfois elles-mêmes des problèmes. Aucun gouverneur de Kaliningrad, quel que soit son poids politique, ne serait en mesure de vaincre le facteur conflictogène. Car aucune autre région russe n’est aussi dépendante des décisions et actions d'autres États (notamment de la Lituanie).

Les bases d'une existence relativement insouciante pour Kaliningrad pour les décennies à venir pourraient être jetées par la construction d’une centrale nucléaire, à laquelle l'Italie aimerait participer. Ce projet d'envergure est susceptible de modifier les forces de la région baltique en augmentant considérablement le rôle de Kaliningrad. La Lituanie, qui a fermé la centrale nucléaire Ignalina en 2009, et perdu la course au nucléaire face à la Russie, ne cache pas son irritation.

De trou noir, la région de Kaliningrad passe au rang de région, avec laquelle une véritable coopération intelligente, est susceptible de bénéficier aux pays voisins. La centrale nucléaire éviterait à Kaliningrad de se transformer en une double marge (arrière-cour de la Russie et de l'UE) au sens économique, mais en même temps elle ne permet pas de résoudre la question de son rôle dans les relations entre la Fédération de Russie et l'UE : le potentiel de la région n'est pas exploité à 100%.

Vadim Smirnov est directeur du Centre des études sociales et politiques Rousskaïa Baltika, et chargé de cours au sein du Département de politologie et de sociologie de l'Université d’État Kant (Kaliningrad)





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