Les multiples Russies de James Hill (+Diaporama)

«J’ai photographié des Russies très différentes en vingt années de travail ici, mais le pays demeure un mystère pour moi », confie Hill.

C’est drôle, mais James Hill fait partie des rares journalistes occidentaux qui connaissent la Russie intimement. Le photographe acclamé s’y est installé en 1995, en signant un contrat avec le New York Times. En 1998 il a déménagé à Rome, mais est retourné en Russie en 2003.

« Je suis rentré en 2003 pour retrouver mon épouse Sylvie, qui est française, et qui travaille toujours en Russie », raconte Hill. « J’étais content de rentrer, parce que j’avais le sentiment d’un travail inachevé. Ce n’est que maintenant, avec mes deux livres, En Russies et Le jour de la Victoire, qu’un cycle se termine. »

James Hill a 43 ans et collabore au New York Times depuis 15 ans. En 2002, il faisait partie de l’équipe du Times qui gagné le prix Pulitzer pour sa couverture de la guerre en Afghanistan. Il a également remporté le prix World Press Photo. Mais c’est surtout pour ses narrations de la Russie qu’il est connu. Ses photos racontent simplement une histoire : des rangées de prisonniers scrutant leurs gamelles de soupe (voir le diaporama), des oligarques ivres à la banya, des cosmonautes enfilant leurs combinaisons, et une écolière de Beslan après la prise d’otages terroriste, la tête entre les mains.

Hill est un perfectionniste à l’ancienne. Sur les rives de la Volga, pendant qu’il attendait pour photographier un pêcheur, son assistant s’enquit pourquoi il ne demandait pas simplement au pêcheur de se déplacer vers la lumière. « Parce que ce serait distordre la réalité », a répondu le photographe.


 Ses clichés lèvent le voile sur une Russie méconnue. Certains de ses projets préférés, comme les séries de théâtre, ballet et cirque, ont été exposées dans les galeries d’art de Moscou.

Beaucoup de ces photos sont désormais rassemblées dans un ouvrage trilingue (anglais-russe-français) récemment paru à Moscou. Un autre livre sort en avril, Le jour de la Victoire, aux éditions Atticus Books. Le projet photo sur les vétérans, prévu pour le 65e anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, est également le fruit de plusieurs années de travail.

« Je viens de me rendre compte que bientôt il ne restera plus de vétérans », dit Hill. Ses portraits expressifs de vétérans en uniformes de parade, les poitrines bardées de médailles, et les bras remplis de fleurs, leur sont un hommage émouvant.

Hill est lui-même un photographe de guerre vétéran. Il a parcouru plus de 30 pays, souvent pour couvrir des conflits, comme en Tchétchénie, Kosovo, Éthiopie, Palestine, Afghanistan et Iraq.

« L’esprit, comme le corps, s’adapte à l’environnement, et ce en dépit des désirs », raconte-t-il. « Je ne crois pas qu’il existe de façon particulière de s’y préparer, sauf la motivation et la soif d’aller dans les zones de conflit. La plus dur souvent, c’est de rentrer à la maison, parce que tu dois retrouver tes proches, mais comme quelqu’un de changé, de plus dur, plus froid. Il y a évidemment des moments et des gens qui se gravent à jamais dans ta tête. Beaucoup de photographes de guerre, dont moi, vivent avec ces fantômes. »

Hill est capable de mettre des mots sur des choses qui échappent à de nombreux correspondant de guerre. « Je n’oublierai jamais ce que j’ai vu pendant ces guerres, la cruauté et la barbarie, mais aussi le courage et la couardise. Il faut apprendre à vivre avec ces souvenirs et s’en accommoder.» « Je suis toujours motivé pour faire de l’actualité mais je veux aussi photographier des portraits et des paysages, ce qui ne m’intéressait absolument pas il y a dix ans. J’essaye de trouver un équilibre dans mon travail qui reflèterait la vie d’un photographe qui est aussi un époux et un père de famille. »

Parmi les milliers de photos de James Hill, il y en a une particulièrement mémorable pour lui. Elle date de septembre 2004, le siège de l’école à Beslan. 331 habitants de la ville sont morts dans la prise d’otages, dont 200 enfants. « C’est ma série la plus connue, et aussi la plus puissante », explique Hill. « La photo qui se démarque le plus, pour beaucoup de gens, et pour moi, c’est celle de la chaise couverte de cigarettes ».

C’était au deuxième étage, là où les terroristes ont exécuté les hommes qui s’étaient retrouvés dans l’école. Les corps étaient jetés par les fenêtres, selon Hill. Après le siège, les hommes qui les connaissaient entraient dans cette pièce et allumaient des cigarettes qu’ils laissaient se consumer sur cette chaise.

« C’est presque une installation artistique », dit-il, « mais chargé d’un sens très particulier et poignant. »

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