Roses russifiées

La société «Féïa rosi» livre depuis 2009 des roses de 13 espècesaux meilleurs fleuristes de Moscou

La société «Féïa rosi» livre depuis 2009 des roses de 13 espècesaux meilleurs fleuristes de Moscou

Kalouga, capitale de la rose russe ? C’est en tout cas l’espoir de Florence Gervais d’ Aldin et de ses partenaires. Depuis plus de trois ans, cette ancienne négociante en sucre défie les barrières culturelles et administratives pour fournir aux consommateurs les plus exigeants des roses haut de gamme qui, tenez-vous bien, sentent... à la différence des roses réfrigérées dont se contentent généralement les Russes.

« Un beau jour de 2006, il y a eu un heureux concours de circonstances. Mes partenaires et moi-même avions les fonds nécessaires, le projet et la stratégie d’affaires étaient prêts, puis une réelle chance s’est présentée, ainsi qu’un soutien et un intérêt pour notre activité », se rappelle Florence d’Aldin. « Le plus difficile était de trouver un terrain d’un bon raport qualité-prix et d’obtenir de l’administration locale qu’elle nous permette de travailler en paix ». Le terrain souhaité a été déniché dans la banlieue de Kalouga, une ville d’un peu plus de 300 000 habitants au cœur de la Russie. Puis la jeune Française s’est attaquée à la construction, longue et compliquée, de serres pour la culture de roses à l’abri des intempéries. Ainsi naquit la société « Féïa rosi » [Fée de la rose] qui, depuis le printemps 2009, livre des roses de 13 espèces aux meilleurs fleuristes de Moscou (actuellement, la production journalière atteint 2 000 fleurs).

Deux ans ont été nécessaires à la réalisation des serres, un vrai défi en raison du manque de spécialistes qualifiés et de main-d’œuvre tout court. Pendant les travaux, Florence a dû régler dans leur moindre détail nombre de problèmes techniques qu’elle n’avait jamais rencontrés ni imaginés : « Je devais refléchir à tout, contrôler chaque geste des maçons ». En outre, elle a dû faire face à des sous-traitants malhonnêtes qui se sont rapidement rendus compte qu’ils avaient affaire à une femme sans expérience dans l’édification de serres, pas plus qu’eux-mêmes n’en avaient, d’ailleurs. Mais après avoir étudié toutes les questions soulevées et s’être familiarisée avec les matériaux et le matériel de construction, Florence a réussi sa gageure de mettre sur pied de vraies serres professionnelles de qualité.

Bien entendu, elle n’avait pas prévu un démarrage aussi lent de sa société, contrainte d’attendre deux ans pour que les serres soient fonctionnelles. Au début, elle avait misé sur six mois. Mais elle a vite tiré d’utiles leçons de son son séjour en Russie : « La première chose que je conseillerais à tous ceux qui ont l’intention de mener leurs activités dans ce pays, c’est d’être patient. La constitution du dossier, la délivrance des autorisations et des permis peuvent prendre entre deux et trois ans, et nécessiter de grosses dépenses. Il vaut mieux préparer techiquement puis commencer progressivement son activité tout en s’occupant des formalités en parallèle ».

Autre gros problème : l’absence de personnel qualifié. Florence n’a pu trouver sur place les agronomes dotés de toutes les compétences nécessaires, ayant la connaissance voulue des subtilités de la culture des roses et de l’aquiculture. « L’agronome que nous avions engagé au début était capable de faire fonctionner les serres, mais pas de tout organiser, de lancer la culture des roses à partir de zéro. Il n’avait pas ce genre d’expérience », explique la pépiniériste. Elle a dû faire venir des spécialistes de France, de l’Institut d’agronomie, pour lancer la le démarrage de la production et la formation du personnel.

Fatalement, la recherche et l’embauche du personnel allaient également se révéler problématiques. Actuellement, Florence emploie une trentaine de personnes. Mais elle a du mal à trouver ne serait-ce qu’une femme de ménage convenable.

Le village de Babynino situé à proximité des serres est en voie de dépeuplement : les habitants fuient un endroit sans avenir perceptible, où sévissent chômage et alcoolisme. « On est parfois obligé de licencier des employés qui ne donnent pas satisfaction, même après les avoir formés », se lamente Florence. « Mais d’un autre côté, notre bassin de main-d’œuvre est limité. Le pire, c’est qu’ici les gens ne sont pas toujours motivés pour garder un travail stable ». Les employés de Feïa rosi touchent un salaire modique assorti de primes mensuelles de rendement, de nature à motiver tant soit peu les plus ambitieux.

Reste un autre enjeu de taille, celui de la commercialisation, qui passe par la collaboration des fleuristes. Actuellement, Feïa rosi n’a pas de concurrent pour ce qui est de la production en Russie. La société propose des espèces qu’elle est la seule à cultiver localement. C’est sa force et sa raison d’être, mais aussi une source d’incompréhension en aval. « Les commerçants et les fleuristes en particulier ont l’habitude d’importer les roses qu’ils vendent. Ils les mettent au réfrigérateur pendant une semaine et écoulent petit à petit des fleurs qui n’ont aucune odeur », explique Florence. Il est hors de question de réfrigérer des roses appelées à conserver leur parfum. Il faut les vendre fraîches, donc immédiatement. En revanche, on aime beaucoup, en Russie, offrir et recevoir des roses : Feïa rosi compte donc promouvoir ses roses odorantes et apprendre aux Russes à les préférer aux fleurs inodores malgré un prix nettement plus élevé. Vendues au détail entre 300 et 500 roubles, les roses de Florence sont assez chères par rapport aux 100 ou 200 roubles que valent les roses standarts.

L’entreprise a donc l’avantage d’occuper un créneau unique sur un marché prometteur mais en attendant, les investissements communs que la jeune patronne et ses partenaires ont placés dans l’aventure n’ont pas été encore amortis. Florence a appris à être patiente sur ce terrain-là aussi, considérant déjà comme un succès le fait que « tout fonctionne et que la production soit lancée ».

Une production que la société prévoit de stabiliser en 2010. L’objectif est un défi en soi car, explique la pépiniériste, « cette culture est soumise à de nombreux facteurs affectant la qualité et la quantité de bonnes roses, tels qu’insectes ou conditions météorologiques défavorables ». On est en Russie... –


Pari sentimental sur la Russie

Florence d’Aldin n’a jamais envisagé d’autres variantes que de lancer son projet en Russie. Bien sûr, ce n’est pas facile ici, mais avec de la persévérance, le succès est au rendez-vous.

Florence conseille de ne s’étonner de rien en Russie, même si le pays et ses habitants s’acharnent à vous surprendre...

« Il faut savoir s’adapter et comprendre qu’il y a parfois une différence entre la norme, qui est a priori applicable, et la meilleure façon de faire quelque chose », conseille-t-elle.

La jeune Française a également noté que le statut d’étranger, utilisé à bon escient, peut être un sérieux atout en Russie. Par exemple, dit-elle, « j’ai souvent été sauvée par le fait que je suis une femme française. De plus, Florence a remarqué dans ses contacts avec les Russes qu’ils « sont plutôt honnêtes avec les étrangers. Ils ont honte d’abuser de la confiance d’une femme française. Je pense donc que le statut de femme étrangère m’a aidée à de nombreuses reprises ici ». Pour rien au monde elle n’envisage de partir.

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