Coup de balai dans les prisons russes

La direction du Service fédéral de l’exécution des peines (FSIN) assure que la réorganisation des cadres est due à une réforme d’envergure de toute la structure du service. Mais on admet que certains renvois sont liés, même indirectement, au scandale provoqué par le décès en prison du juriste Sergueï Magnitski.
Le décret de licenciement avait été signé par le président dès le 4 décembre, mais le contenu n’en a été révélé qu’une semaine plus tard. En tout, vingt hauts responsables de l’administration carcérale ont été relevés de leurs fonctions. En fait, la plupart des départements du FSIN central,- de la direction des centres de détention provisoire à l’administration médicale -, ont été décapités. Les chefs des FSIN régionaux de Moscou, Saint-Petersbourg, Toula, ou encore de Yakoutie ont également été renvoyés.

Le représentant officiel de l’administration pénitentiaire, Alexandre Kromine a expliqué à Kommersant que cette réorganisation massive des cadres n’a pas été déclenchée par un évènement concret, par exemple le scandale provoqué par le décès en cellule de Sergueï Magnitski, mais qu’il s’agissait d’une réforme globale et structurelle de tout le service, lancée par le nouveau directeur du FSIN, Alexandre Reimer. Cette réforme doit s’accompagner d’un renouvellement des équipes. Selon Kromine, on ne saurait dissocier ce dernier décret de celui que le président a signé le 31 octobre, longtemps avant la mort de Magnitski, sur la définition des fonctions de la haute administration des services pénitentiaires. « C’est ce décret-là, dans le cadre de la réforme, qui a abrogé un certain nombre de postes dirigeants, qui ont fait l’objet du décret suivant », dit Alexandre Kromine.

Dans le même temps, le directeur du FSIN, Alexandre Reimer a affirmé en personne à l’antenne de l’Echo de Moscou que l’affaire Magnitski a eu un impact sur certaines décisions. Ainsi, si la plupart des fonctionnaires démis retrouveront certainement de nouveaux postes dans l’avenir, l’ancien chef de l'administration pénitentiaire de la ville de Moscou, le général Vladimir Davydov, est définitivement limogé. En outre, Reimer a donné l’ordre de renvoyer les directeurs des deux prisons moscovites, Matrosskaïa Tichina et Boutyrskaïa, respectivement Fekret Taguiev et Dmitri Komnov. C’est là justement que Magnitski avait été détenu. Dans le futur, les licenciés seront rétrogradés et réaffectés.

L’avocat de Sergueï Magnitski, Maître Dmitri Kharitonov juge la punition de Komnov méritée. « Le service médical de la prison Boutyrskaïa est déplorable, et c’est l’entière responsabilité du directeur de l’établissement », explique-t-il. Et Me Kharitonov espère que le pas suivant ne sera pas une réaffectation de l’ancien directeur de la prison, mais bien des poursuites judiciaires.

Le chef de la commission civile d’observation des lieux de détention à Moscou, le célèbre défenseur des droits de l’Homme Valeriï Borchtchev, est de l’avis de l’avocat. Après le décès de Magnitski, sa commission a mené sa propre enquête, dont les résultats seront bientôt envoyés au comité d’investigation du parquet de la Fédération de Russie, qui a instruit un dossier pour « non-assistance à personne malade » et « négligence ». « L’affaire ne peut se limiter à des mesures disciplinaires ou un simple limogeage », considère Borchtchev. Il accuse la direction du FSIN de Moscou d’avoir fait pression sur les médecins de la prison pour dissimuler les véritables circonstances de la mort de Sergueï Magnitski, et Dmitri Komnov, d’avoir cherché à induire en erreur les membres de la commission.

N.B: Sergueï Magnitski, 37 ans, juriste du fonds d’investissement Hermitage Capital, accusé d’une fraude fiscale de 500 millions de roubles (12 millions d'euros) et en détention provisoire depuis son interpellation fin 2008, est mort en prison le 16 novembre dernier. Son avocat affirme que les autorités pénitentiaires lui avaient refusé tout suivi médical. Ce que confirment les extraits de son journal, publiés par Novaïa Gazeta. Sur ordre présidentiel, une enquête criminelle est ouverte depuis le 24 novembre pour élucider les circonstances de cette mort. Le président Dmitri Medvedev aurait également exigé un contrôle des soins médicaux dispensés aux prisonniers.

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