Kalachnikov, la vérité derrière le mythe

Pendant des années, l’inventeur de l’arme la plus célèbre au monde est demeuré une figure cachée, presque mythique, et a rarement été vu en public. Comme il nous le révèle ici, quand il quitte sa patrie, il est révéré où qu’il aille, de l’Amérique au Proche Orient.
Comment se fait il que le monde ait découvert la Kalachnikov, au temps de l’URSS, tout en continuant d’ignorer son inventeur ?

Pendant des années j’avais accès au secret-défense et n’ai jamais quitté la Russie. Une fois seulement je suis allé en Bulgarie avec ma femme, en vacances, mais je ne pouvais pas utiliser mon véritable nom. Je n’ai obtenu l’autorisation de voyager à l’étranger qu’au début des années 1990. En ma qualité de conseiller du directeur général de Rosoboronexport, une entreprise d’exportation d’armement appartenant à l’État, je me suis rendu à de nombreux salons et expositions d’armes, et j’ai pu enfin tenir entre mes mains les modèles les plus neufs. Et je continue d’en apprendre sur les armes à chaque fois. Il ne faut pas considérer le AK comme le meilleur fusil d’assaut jamais inventée. Je le répète sans cesse : la seule limite, c’est le ciel.

Suiviez-vous les avancées de vos collègues internationaux avant ?

Dans le monde des armes, tout le monde se surveille et connaît les systèmes de tout le monde. Quand j’ai rencontré Eugène Stoner, l’inventeur du fameux M16, je l’ai taquiné comme quoi ma machine était meilleure que la sienne. Il m’a répondu qu’il doutait que je puisse réaliser une pièce de 2800 g, comme l’exigeait le Pentagone, basée sur un prototype de 5kg. Quand nous sommes tous les deux arrivés à la base des Marines, le commandant Coffield m’a confié : « Personnellement, pour le combat j’aurais choisi votre arme, M. Kalachnikov. J’ai combattu au Vietman comme commandant d’unité, et j’aurais aimé avoir votre arme tout le long. Ce qui m’a arrêté, c’est une différence de cadence de tir avec le M16. Si j’avais commencé à l’utiliser, mes soldats auraient cru que j’avais été attaqué par la guérilla Vietcong. Il ne me restait plus qu’à me rincer l’œil avec votre chef-d’œuvre ».

Le mot « Kalachnikov » est connu dans le monde entier, mais il n’a pas toujours la consonance positive comme dans l’expression « fiable comme une Kalachnikov »…

Parfois, j’appelle le AK-47 le fusil de la paix de l’amitié, bien qu’il n’ait pas toujours été utilisé à bonnes fins. Quand j’ai rencontré le ministre de la Défense du Mozambique, il m’a dit : « Venez nous rendre visite, s’il vous plait. Nous avons acquis notre liberté grâce à votre arme. Et quand les soldats sont rentrés chez eux, beaucoup ont nommé leurs fils Kalach. Venez, et vous rencontrerez des dizaines de Kalachs dans chaque village ».

Bien sur qu’il y a un revers de la médaille. On me demande souvent ce que je ressens à l’idée que mon invention serve à tuer des gens tous les jours, et que le AK soit l’arme courante des conflits interethniques. Je veux être clair : j’ai créé mon fusil d’assaut pour protéger mon pays. C’est la faute aux politiciens si l’arme s’est répandue, sans contrôle, à l’échelle du globe.

En y pensant, je me suis souvenu un jour d’un terme technique, le ricochet. Au moins trois d’entre nous, Eugene Stoner, Uziel Gal, et moi-même, avons créé des fusils pour détruire les nazis le plus rapidement possible. Mais les balles de M16 ont tué des Vietnamiens qui se battaient pour l’unification de leur pays. Les rafales d’Uzi ont démoli les maigres espoirs de paix en Palestine, sans parler des dégâts causés par mon AK…

Une rumeur dit que quelqu’un a même suggéré que vous vous convertissiez à l’islam et deveniez une icône vivante du monde arabe…

Au moment de quitter Riyad en Arabie Saoudite, un officier Arabe me dit subitement : « M. Kalachnikov, vous n’avez jamais pensé simplement à vous convertir ? Pour les chrétiens vous êtes un pêcheur, vous êtes responsable de dizaines de milliers de morts dans le monde. Vous êtes en route pour l’enfer depuis longtemps. Mais dans l’islam, les choses seraient totalement différentes pour vous. Vous pourriez devenir le symbole vivant de tout le monde arabe. Et lorsque votre vie terrestre sera achevée, Allah vous accueillera en héros. Vous le méritez, M. Kalachnikov. » En Russe bien élevé, j’ai décliné, tout en promettant d’y réfléchir. Puis je me suis souvenu d’un dicton russe : il est plus difficile de changer de foi que de chemise…

Ces dernières années, les médias ont livré de nombreuses « révélations » pour tuer le mythe, disant que le AK-47 avait en fait été inventé par quelqu’un d’autre, et que la figure de l’inventeur Kalachnikov est une fabrication commerciale soviétique…

Chaque inventeur est convaincu que son arme est la meilleure, et quand les tests sont moins concluants que ceux d’une autre arme, il en éprouve de la rancœur et de l’envie. Tout est dans la compétition, et comme dans toute compétition le perdant commence à comploter contre le gagnant, à faire circuler des rumeurs insensées, du genre le vieux est devenu vraiment vieux, il a perdu toutes ses dents et ne peut plus parler… mais vous le voyez vous-même : je suis encore un créateur d’armes ! Certains pensent que je suis parti depuis longtemps, mais j’en ai l’habitude .

Quelques faits

Les experts disent que 70 à 100 millions de AK ont été fabriqués à travers le monde, pour 10-12 millions de M16, le premier concurrent.

Le fusil d’assaut Kalachnikov a été adopté par 55 pays, et dans certains il est même intégré au blason national.

Le bureau de création de Mikhail Kalachnikov a créé plus de cent armes légères. Kalachnikov est aussi connu pour ses mitrailleurs comme le 7.62mm RPK et les RPKS à bipied repliable légers, et les systèmes 5.45mm RPK-74 et RPKS-74 (repliables).

Il a également utilisé le concept du AK pour créer une série bestseller de fusils de chasse auto-rechargeables Saiga, dont le Saiga 410 et le Saiga 20C. Plus d’une douzaine de fusils de chasse sont en cours de production.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies