Retour vers l'élégance...

Cette création dґune jeune couturière locale a été présentée cet automne à Moscou

Cette création dґune jeune couturière locale a été présentée cet automne à Moscou

Moscou ne fait pas exception! Tout comme une démocratie indépendante a besoin d'édifier un imposant Parlement, tout pays qui se respecte se doit désormais d'avoir sa Fashion Week pour affirmer son droit à l'élégance.
Il faut bien l'admettre, nous avons affaire à une « saison sans fin »... N'importe quel critique de premier ordre vous le dira, chaque jour de l'année, à part peut-être Noël, un rendez-vous de la mode a lieu quelque part entre Riga et Reykjavik ou entre Rio et Erevan. Une journaliste que j'avais envoyée couvrir le défilé de Medellin - vous savez, la capitale mondiale de la cocaïne - m'a raconté à son retour que les mannequins déambulaient presque au sprint sur le podium!

Bref, le mois dernier, cґétait au tour de Moscou. La Russian Fashion Week (RFW) a présenté 58 défilés en sept jours, soit le plus gros show à l'Est de Berlin. Depuis ses débuts en 2005, la RFW est devenue une manifestation fort respectable, soutenue par la réputation mondiale de Moscou. C'est un réseau culturel à part, une scène nocturne très hype, une culture du shopping en pleine effervescence, l'accès facile à un marché immense de clients avides de mode et des sponsors aux poches profondes. Vous noterez d'ailleurs les embouteillages de limousines (Jaguar et Bentley, of course!) à tous les défilés.

Comme le tennis ou le golf de haut niveau, les saisons se répartissent en grands tournois. Dans la mode, le Grand Chelem cґest Londres, Milan, New York et Paris. Mais la lutte pour une place dans le « top 10« demeure ouverte. Aujourdґhui, Moscou défie des métropoles aussi prestigieuses que Berlin, Pékin, Tokyo, Sydney, Rome, São Paolo ou Rio de Janeiro.

La RFW joue l'ouverture et prend exemple sur Paris, dont la politique, pour rester en tête des saisons internationales, consiste à accueillir les principaux talents étrangers.

À commencer par les stars comme Yohji Yamamoto et Issey Miyake, il y a trente ans, et par la suite, une déferlante venue d'Angleterre, d'Italie, et plus récemment de Chine, d'Inde et de Russie - la Chambre syndicale trouve toujours dans son calendrier de la place pour les jeunes génies.

On peut dire la même chose de Moscou, où le fondateur et PDG de la RFW, Alexandre Choumsky a invité des stylistes talentueux en grand nombre. En octobre, la RFW a exhibé onze stylistes étrangers, dont le Malaisien Sonny San, lґEspagnole Agatha Ruiz de la Prada et, lors d'une journée italienne, Ennio Capasa. Choumsky collabore même avec la Camera della Moda (Chambre Syndicale) de Milan, qui a envoyé à Moscou un nouveau groupe de stylistes émergents, les « Incubatore della Moda », réunis en un défilé commun.

Mais laissons un peu les chiffres parler d'eux-mêmes: la RFW a présenté 58 défilés, contre 30 pour Berlin, 40 pour Rio de Janeiro, 43 pour Sydney, et 54 pour Londres. Cette performance peut-elle s'interpréter comme une nouvelle manifestation du maximalisme russe? « Notre but a toujours été de faire de la RFW un événement rivalisant avec les semaines de la mode de New York et d'Europe occidentale. Je pense que les visiteurs de notre saison ont pu constater que nous y sommes parvenus », se rengorge Choumsky, qui a lançé la RFW il y a dix ans.

Cґest la RFW qui a révélé de nombreux stylistes russes, devenus par la suite célèbres en Occident, comme Igor Chapurin, Alena Akhmadullina, Tatiana Parfionova, Svetlana Tegin, et la saison a contribué à développer le marché pour les stylistes russes en Russie, alors qu'il y a dix ans, les consommateurs de mode russes nґachetaient que des marques occidentales. Il y a cinq ans, les sondages montraient que seulement 2% des amateurs moscovites de haute couture possédaient des marques russes. Cette année, ils sont passés à 20%.

L'optimisme est de retour à Moscou, alors que les prix du pétrole remontent et que l'économie est en voie de rétablissement. Cette bonne tendance était particulièrement perceptible lors du défilé de Julia Sarkisova, épouse d'oligarque. Le premier rang était garni de filles tout aussi bien financées... Sa collection devait beaucoup aux marques occidentales Roberto Cavalli et Balmain, mais Sarkisova a injecté suffisamment de mordant moscovite pour qu'on lui accorde le droit de revendiquer l'originalité. En Europe, on couvre les jeans de cristal depuis un bout de temps déjà. Sarkisova, elle, utilise de véritables diamants. Ses jeans et manteaux sont si chers - jusqu'à 70.000 euros - que tout un groupe d'agents de sécurité financé par son époux arménien, Nikolaï Sarkisov, veillait en coulisse.

Chez le très impétueux duo féminin Shumila & Elagina, le thème du défilé était « Mariage de stars de rock russe », avec une nette influence du style punk chic. Les deux créatrices ont envoyé sur le podium des filles en robes de cocktail sexy de soies et cotons cireux, finies aux bretelles sport ou pattes d'éléphant immenses, idéales pour un choriste de James Brown. Mais le clou du défilé fut un quartette de demoiselles de choc, idéalement imaginées pour le prochain mariage de Johnny Halliday.

Dґautres créateurs ont préféré l'ironie, comme chez Dom Stili Bouton, où un nouveau tissu imprimé a été inventé, avec le portrait de Poutine sur les dollars et celui dґObama sur les roubles. Le maillot de bain dans cette matière qui ouvrait le défilé a créé un « buzz » sans précédent et déclenché les applaudissements des 800 invités.

Toute cette bonne humeur avait quelque chose de prémonitoire. Et de fait, le lendemain du défilé, les chiffres officiels annonçaient que l'économie a progressé de 0,6% au troisième trimestre de 2009, après une chute record de 10,9% au deuxième trimestre. Le rouble s'est raffermi régulièrement contre le dollar ces dernières semaines, et le baril de pétrole a dépassé les 80 dollars.

« Nous sortons d'une année très difficile, pour les créateurs comme pour les revendeurs. Mais les choses sґarrangent, et rapidement », s'est félicité Choumsky, qui fait désormais figure de tsar de la mode.

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