Les héros de Normandie-Niemen entrent au Panthéon de l'aviation française

Crédit : Maria Tchobanov

Crédit : Maria Tchobanov

Le 4 juin, le passage au-dessus de l’aéroport Paris-Le Bourget de deux Yak, avions de chasse russes de l'époque de la Seconde Guerre mondiale, et de Rafales dernier cri, a marqué l'inauguration de l'exposition permanente dédiée au régiment Normandie-Niemen au Musée de l’Air et de l’Espace.

Il y a 70 ans, le 20 juin 1945, 37 avions de chasse russes Yak-3 traversaient le ciel de Paris pour atterrir au Bourget. C'était le retour de l'héroïque régiment de chasse Normandie-Niemen, unité des Forces aériennes françaises libres qui combattit aux côtés de l’Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le mécanicien Valentin Ogourtsov, 89 ans aujourd'hui, a failli faire partie de ce groupe, mais le destin a décidé autrement. Georges Henri, un des plus jeunes pilotes français, qui volait à bord de l’avion numéro 16 sur lequel travaillait Valentin, fut tué sur l'aérodrome par l'artillerie allemande. Il venait auparavant d’abattre un Fw 190 piloté par le célèbre as de la Luftwaffe Hauptmann Günther Schack (174 victoires).

« Aujourd'hui je ressens plus du deuil et du chagrin que de la joie. Je pense à mon très cher ami qui n'est pas parmi nous. Ce jour-là, tout le monde est parti s'abriter quelque part, mais Henri et ses deux collègues ont couru vers la cabine où un téléphone avait été installé pour signaler l'avion abattu. Je le retenais par le bras, en lui disant qu'il ne fallait pas courir sous le feu. Mais ils ont atteint la cabine au moment où elle a été soufflée en mille morceaux d'un coup direct. Je n'avais plus de pilote », raconte le vieil homme, qui est venu de Russie en compagnie de plusieurs autres témoins de cette époque tragique et héroïque pour assister à la cérémonie.

Valentin Ogourtsov. Crédit : Maria Tchobanov

Georges Henri fut le dernier des 42 pilotes français de Normandie-Niemen à périr dans les combats aux côtés de l'armée soviétique contre l'Allemagne nazi. Valentin Ogourtsov, lui, après avoir quitté l’armée en 1951, est rentré chez lui, à Ivanovo. Il a fait des études de médecine et à la fin de sa carrière professionnelle il a dirigé le service de gynécologie obstétrique de l'hôpital régional de Iaroslavl.

Pendant des décennies, il a perpétué pour lui-même le souvenir de la guerre. Jusqu'à la fin des années 1950, l’opération Normandie-Niemen était restée secrète et ses héros vivaient leurs vies en URSS dans l'anonymat. Le premier mémorial dédié aux pilotes français morts sur le Front de l'Est a été érigé à Moscou en 1956, mais même quand l'existence du régiment a été révélée au public, les mécaniciens russes sont restés dans l'ombre. Et pourtant, les pilotes français les appelaient « les anges-gardiens », car ils avaient une double responsabilité: celle de la vie des pilotes et de l'intégrité des avions. Les techniciens ne ménageaient pas leurs efforts pour que les appareils soient toujours opérationnels, jour et nuit, par moins 30°C en hiver.

C'est en 2006 que Valentin Ogourtsov est venu pour la première fois au Bourget pour l'inauguration du monument au régiment Normandie-Niemen en présence de Jacques Chirac et Vladimir Poutine. En 2010, il a été fait chevalier de la Légion d’honneur.

Fraternité forgée dans le combat commun

Même s'il fallait passer par l'interprète, les pilotes français et les mécaniciens russes s'entendaient très bien et une vraie complicité s'est établie entre eux durant les campagnes militaires qu'ils ont traversées ensemble. Dans des conditions extrêmement rudes, les Français sont devenus de véritables as sur les Yak-3, qu'ils ont préférés à tous les autres avions de chasse de l'époque. Pendant les batailles, si les Allemands entendaient dans les écouteurs des entretiens en français, ils prévenaient les leurs : « Attention, dans le ciel Normandie-Niemen ».

C'est à cette aventure militaire, mais surtout humaine que le nouvel espace du musée est consacré. Il est dédié aux 96 pilotes, tous volontaires, qui ont partagé durant trois campagnes le quotidien de centaines de mécaniciens soviétiques. Nous y trouvons des pièces d'archives, des objets de la vie quotidienne, des reliques offertes par les familles des membres du régiment et le dernier des 37 Yak-3 offerts par Staline en 1945.

L'exposition permanente dédiée au régiment Normandie-Niemen. Crédit : Maria Tchobanov

En tout, environ 200 objets qui ont été choisis pour conférer à l'exposition une dimension didactique et pédagogique. Parmi eux on trouve des documents assez émouvants : les originaux de l'acte de condamnation à mort par la France de Vichy, en tant que déserteur, du pilote Marcel Lefèvre et son laisser-passer pour rejoindre la Russie, le Passeport de la France Libre. Ou encore l'épave d’un Yak-9, l'avion piloté par Paul de Forges, porté disparu en 1943, qui a été retrouvée de nombreuses années après son krach. Un tableau dessiné par un des membres de Normandie-Niemen rappelle l'émouvante histoire de la mort du capitaine Maurice De Seynes qui refusa d'évacuer son avion endommagé par solidarité avec son mécanicien russe, assis derrière lui et qui n'avait pas de parachute. Une fois encore, cet épisode tragique illustre la fraternité profonde qui a lié ces hommes malgré les différences culturelles et politiques.

« Le nom du régiment de chasse Normandie-Niemen restera à jamais associé à la grande et belle histoire de la Libération. Une épopée comme celle de Normandie-Niemen nous apprend beaucoup – elle montre jusqu'où peut s'exprimer le courage des hommes, elle nous dit ce que représente l'engagement jusqu'au sacrifice suprême et montre l'importance de l'aviation dans les campagnes militaires », a souligné Jean-Marc Todeschini, Secrétaire d'État aux Anciens Combattants et à la Mémoire auprès du ministre de la Défense, dans son intervention devant les vétérans russes et les familles d’anciens combattants du régiment de chasse français, qui assistaient à l'inauguration solennelle de l'espace Normandie-Niemen au musée Musée de l’Air et de l’Espace.

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