L’amitié russo-française en mode truffe et malossol

Page Facebook de Natalia Marzoïeva
Le 9 novembre, le salon Opéra de l’Hôtel InterContinental Paris Le Grand, monument historique classé et la salle de bal la plus prisée de la capitale, ont accueilli une soirée célébrant l’amitié franco-russe. La soirée était dédiée au 120e anniversaire de la visite du jeune empereur russe Nicolas II et de l'impératrice Alexandra en France. Au cours de cette visite le tsar posa la première pierre du Pont Alexandre III, nommé en l’honneur de son père, artisan de l’alliance franco-russe.

L'ancien président Valéry Giscard d'Estaing lors de la soirée célébrant l’amitié franco-russe. Crdit : Maria TchobanovL'ancien président Valéry Giscard d'Estaing lors de la soirée célébrant l’amitié franco-russe. Crdit : Maria Tchobanov

Pour honorer cette alliance, une autre fut conclue aux fourneaux – celle de deux chefs, russe et français, qui ont su marier deux traditions culinaires pour offrir aux participants de cette soirée solennelle un repas digne de l’événement.

RBTH a franchi les portes de la cuisine de l’Hôtel InterContinental qui, sous Napoléon III fut le plus grand hôtel du monde, pour dénicher les secrets d’excellence des chefs Laurent André et Evgeny Nasyrov, qui ont répondu présent à l’appel de l’association Saisons de la gastronomie franco-russe, une des organisatrices de la soirée de gala.

RBTH : Quel était l’approche pour composer le menu de cette soirée ?

Laurent André : Si on fait le menu à quatre mains entre la France et la Russie, il faut que les Français puissent découvrir la Russie et les Russes – la France. Il fallait un vrai démarquage dans la façon d’exécuter les plats, une vraie barrière, le but étant d’éviter la confusion. Nous avions réfléchi pour que l’ensemble soit harmonieux, nous nous échangions beaucoup d’emails pour se mettre d‘accord. Mon collègue russe a eu la partie la plus difficile – l’entrée et le plat chaud. J’ai préparé l’entrée chaude et le dessert. Dans un contexte pareil, Il faut faire ce qu’on sait bien faire, et le faire le mieux possible.

 Evgeny Nasyrov et Laurent André. Crédit : Maria Tchobanov Evgeny Nasyrov et Laurent André. Crédit : Maria Tchobanov

Evgeny Nasyrov : Je voulais montrer le goût d’un plat traditionnel russe. Pour l’entrée j’ai préparé le maquereau légèrement cuit au sel avec une pomme de terre au four, un concombre malossol très délicat et les chips de pain de Borodino. Pour le plat chaud il y a eu plus d’hésitation, puisque mon collègue français m’a déconseillé la volaille et le porc. Or, les plats d’agneau sont plutôt rares en Russie. Pour accompagner la viande, j’ai choisi les légumes et les méthodes de préparation que nos ancêtres utilisaient le plus souvent pour préparer leur repas. Une partie des légumes est légèrement marinée, une autre réduite en purée et le reste cuit au four. Pour la sauce j’ai pris les pruneaux et les baies d’églantier.

RBTH : Quelle est la meilleure manière de présenter son pays à travers la cuisine ?

Laurent André : Pour représenter la France, il faut respecter les saisons. C’est la saison de la truffe, de la St-Jacques et du poireau. Ce sont des choses qui parlent à la cuisine française, la vieille cuisine française. La soirée célèbre une alliance et une alliance très ancienne. J’ai prévu pour l’entrée chaude les noix de St-Jacques dans leurs coquilles avec le poireau à la truffe et pâte feuilletée par-dessus.

En France on dit qu’« on casse la croûte ». Pour déguster mon plat, Il faut casser la croûte, sentir l’odeur de la truffe. Pour le dessert, j’ai choisi un Opéra, parce que c’est vraiment le dessert par excellence, surtout dans cet hôtel. Je l’ai appelé l’Opéra de la Paix. Je voulais rester dans quelque chose de très traditionnel. Mais en même temps, il faut que les Français comprennent qu’il n’y a pas que la tradition française dans la gastronomie. J’adore le maquereau et je suis très curieux de le goûter chez Evgeny. Pour moi, c’est le plat qui vient du froid, du nord.

Maquereau de la Baltique fa&ccedil;on Moscovite, chips de Borodinski.nMaria Tchobanov<p>Maquereau de la Baltique fa&ccedil;on Moscovite, chips de Borodinski.</p>n
Chausson de premi&egrave;res. Coquilles Saint Jacques, poireau truff&eacute;.nMaria Tchobanov<p>Chausson de premi&egrave;res. Coquilles Saint Jacques, poireau truff&eacute;.</p>n
Filet d&#39;agneau, l&eacute;gumes d&#39;automne, sauce pruneau et baies d&#39;&eacute;glantier.nMaria Tchobanov<p>Filet d&#39;agneau, l&eacute;gumes d&#39;automne, sauce pruneau et baies d&#39;&eacute;glantier.</p>n
L&#39;Op&eacute;ra de la Paix.nMaria Tchobanov<p>L&#39;Op&eacute;ra de la Paix.</p>n
 
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Evgeny Nasyrov : Pour moi le plat traditionnel russe – c’est le hareng salé servi avec les pommes de terre, les plats à la base de choux, comme la soupe au chou, les œufs de poissons, les poissons cuits légèrement au sel, les crêpes, les concombres à la saumure. Le terme « cuisine russe » est trop vague. En Russie, les gens mangent tout et n’importe quoi – des sushis, des pizzas, des hamburgers. La cuisine traditionnelle n’est pas populaire. Sauf les établissements de très haut niveau qui se spécialisent en cuisine russe raffinée et contemporaine. Mais ils sont hors des prix pour la majeure partie des consommateurs.

Moi, je veux à travers mes plats et recettes réintroduire dans les habitudes alimentaires des gens les ingrédients typiques de la cuisine russe d’antan, à prix abordables. Je n’utilise pas de technologies compliquées dans la cuisine, je n’aime pas expérimenter avec les textures et changer la nature des ingrédients. J’utilise des produits de base et les méthodes de base, je préfère les technologies de l’école classique française, qui est universelle. Je veux que les gens puissent reproduire mes recettes chez eux, en achetant les produits dans les magasins de quartier. 

Votre vision de ce genre de collaboration entre chefs ?

Laurent André : Pour moi c’est surtout le plaisir de pouvoir collaborer avec les autres chefs des autres pays comme la Russie, parce qu’ils nous emmènent leur technique. Avec Evgeny je vais découvrir le maquereau et d’autre choses que je ne connais certainement pas, comme le malossol.  Je suis content de rencontrer les gens comme Evgeny et j’irais le voir chez lui en Russie pour voir comment il travaille. C’est très encourageant pour notre pays aujourd’hui, de voir les chefs russes venir faire le dîner à quatre mains. La France est le berceau de la culture gastronomique, mais les gens comme Evgeny, qui viennent s’instruire de cette culture en France et repartent dans leur pays pour travailler avec les produits de leurs pays utilisant les techniques qu’ils ont appris chez nous, ça devienne intéressant. La Russie et la France sont deux pays très forts dans le monde d’aujourd’hui. Les voir collaborer, ça me fait plaisir avant même de cuisiner.

Evgeny Nasyrov : C’est certainement un échange pour moi et une occasion de réviser mes bases de la cuisine française. C’est très utile de retourner à la source de temps en temps et de voir comment on travaille ici. C’est aussi une sorte d’épreuve, de challenge. Travailler dans sa cuisine est beaucoup plus confortable que de se retrouver dans la cuisine de quelqu’un d’autre, qui en plus ne parle pas la même langue. C’est une sorte de mélange de vacances extrêmes et de travail. Un certain conservatisme m’a un peu troublé, j’ai eu l’impression qu’en Russie nous sommes moins rigoureux parfois dans nos approches. En revanche, j’ai beaucoup aimé la logique des processus, la cuisine est très bien organisée.

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La soirée et le dîner de gala célébrant l’amitié franco-russe ont été organisés par l’association Dialogue Franco-Russe et l’association Alliance Franco-Russe en partenariat avec Les Saisons de la Gastronomie Franco-Russe et sous le haut patronage de l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing, de monsieur Gérard Longuet, ancien ministre, président du Groupe d’Amitié France-Russie au Sénat, et de son excellence monsieur Alexandre Orlov, ambassadeur de la Russie en France.

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