Aziz Saffar, restaurant français « Le Restaurant »
Aziz Saffar. Source : archive personnelle |
Bien sûr, les contre-sanctions russes ont eu un effet sur mon travail. C’est la vie ! Il serait faux de dire que j’ai été obligé de changer complètement certains plats ou de les retirer du menu : j’ai trouvé des produits de remplacement équivalents aux ingrédients que j’utilisais avant.
Je me suis intéressé aux produits locaux et, à mon grand étonnement, j’ai découvert beaucoup d’ingrédients intéressants : du bœuf, du veau, de l’agneau de Briansk et de Voronej, des oies, des canards et des cailles, des chanterelles et des trompettes de la mort de fermes des alentours de Moscou, des crabes de Kamchatka, du poisson nordique (flétan) de Mourmansk, des fruits de saisons, des légumes et des herbes de Krasnodar.
Mais ma plus grande découverte sont les truffes de Crimée, qui n’ont rien à envier en qualité aux truffes françaises.
Sergueï Erochenko, restaurants de cuisine russe et fusion « Tchestnaya Kukhnya » et « Fédia, ditch ! »
Sergueï Erochenko. Source : archive personnelle |
Mes projets étaient dès le départ basés sur l’utilisation exclusive de produits locaux : du gibier, des poissons nordiques, de la viande et de la volaille fermière, des légumes, des fruits et des baies de saison.
Bien entendu, aujourd’hui, la demande en produits russes a considérablement augmenté. Je vois que d’autres chefs, travaillant également dans des restaurants en Russie, ont commencé à rechercher des nouveaux produits, à adapter leur menus aux conditions actuelles. Evidemment, certains ont du mal à surmonter de l’embargo alimentaire russe.
Il s’agit principalement des restaurants gastronomiques servant de la cuisine italienne, méditerranéenne ou française, car ils justifiaient autrefois leurs prix élevés par l’utilisation de produits exclusifs, dont la majeure partie est désormais visée par les contre-sanctions russes.
Christian Lorenzini, restaurant de la cuisine d’auteur « Christian » et restaurant italien « Buono »
Christian Lorenzini. Source : archive personnelle |
À mon avis la situation ne s’est pas encore éclaircie, il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives. Mais bien sûr, en tant que chef, je sais d’avance qu’elle ne me plaira pas. Je manque beaucoup de fromage, de charcuterie, de produits laitiers importés, de bonne crème fraîche, de viande, de quelques genres de poissons et de coquillages.
Par exemple, nous ne servons plus de foie gras. Les prix certains produits se sont immédiatement envolés, et certains autres ont totalement disparu.
La politique nous oblige à revoir notre menu et à chercher des remplacements aux produits importés. Pour l’instant, notre solution est tout d’abord, évidemment, de rechercher des analogues locaux permettant de remplacer les produits étrangers dans nos plats existants par des produits russes ou bien, si nous voyons qu’il n’existe pas d’équivalent de qualité à l’un ou l’autre des produits, nous retirons le plat du menu. Ce qui est qualité ne doit en aucun cas souffrir.
Alexandre Katchinski, restaurant australien « Glenuill » et buffet italien « Zupperia »
Alexandre Katchinski. Source : archive personnelle |
À cause des contre-sanctions, notre menus a rétréci. Nous avons été forcés de retirer tous ce que nous n’avons pas pu remplacer. Avant, nous achetions de la viande australienne, maintenant nous la faisons venir de Briansk et de Voronej. Heureusement, nous avons pu trouver de la viande de bonne qualité, mais nous n’avons pas réussi à remplacer les fromages. Par exemple, nous n’avons rien trouvé pour remplacer la mozzarella en Russie.
Nous avons également eu des difficultés avec les fruits de mer, le poulpe et les crevettes royales. Nous achetons maintenant notre saumon à Mourmansk, mais nous avons dû remplacer les crevettes royales par des crevettes tigrées, parce que ce qui se trouve légalement sur le marché est devenu très cher. En valeur absolue, l’assortiment revient 40% plus cher.
Chen Yongjian, restaurant chinois « Soluxe club »
Chen Yongjian. Source : archive personnelle |
Le choix des fournisseurs de produits est, à mon sens, l’une des tâches les plus importantes et prioritaires d’un chef cuisinier. Nous faisons venir de Chine beaucoup d’ingrédients rares et convoités, par exemple des nids d’hirondelles, des œufs de canard fermentés, des sauces et des épices. Mes sous-chefs contrôlent tous les jours les livraisons de produits.
Je ne peux pas dire que les contre-sanctions nous aient particulièrement touchés, car nous n’utilisons pratiquement pas les produits interdits : une cuisine chinoise authentique suppose des produits exclusivement chinois. En revanche, le facteur économique, la hausse du dollar et de l’euro nous a touché : les produits sont déjà plus chers de 20%, et les prix dans les restaurants augmentent avec eux.
Maxime Goriatchev, restaurant fusion « Kousotchki »
Maxime Goriathev. Source : archive personnelle |
La première vague de contre-sanctions russes nous a appris à nous adapter, et pas seulement nous, mais également les producteurs locaux, qui profitent de l’occasion pour augmenter la qualité de leur produit au niveau des produits européens. C’est vrai, le niveau des prix a nettement augmenté.
Cependant, le bœuf marbré de Voronej, auquel beaucoup se convertissent aujourd’hui, est meilleur au goût et moins cher que le bœuf importé. Nos fromages du Caucase sont une alternative aux fromages étrangers. Ils sont nettement moins chers que les fromages importés, mais bien sûr, leur goût est différent. Pour le moment, c’est l’été, donc les fruits et légumes sont locaux.
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