«Flash back» sur l’âge d’or du cinéma soviétique

Scène du film Andreï Roublev.

Scène du film Andreï Roublev.

RIA Novosti
Cinq films de légende produits en URSS ont fait la conquête des écrans à l’Ouest.

Le Cuirassé Potemkine (1925)

Il est difficile d’imaginer que ce sommet du cinéma soviétique, mais aussi mondial (sur le principal site de critiques cinématographiques Rotten Tomatoes, le film obtient la meilleure note avec 100% d’avis dithyrambiques), fut interdit en Angleterre jusqu’à la fin des années 1950 et classé X (comme les films pornographiques) jusqu’en 1978.

Goebbels disait que l’œuvre de Sergueï Eisenstein, qualifiée par le magazine The New Yorker de « premier [spécimen, ndlr] moderniste du cinéma mondial », était le plus grand film de propagande qu’il avait jamais vu et qu’il avait failli devenir communiste en le regardant.

Quand la nouvelle version du Cuirassé Potemkine présentée à Berlin dans le cadre de la Berlinade est sortie sur les écrans britanniques en 2005, le quotidien London Evening Standard a déclaré : « Qui a besoin d’Avatar en 3D quand on a ça ? ».

Outre la force idéologique et l’audace avec laquelle Eisenstein montrait la violence absolument choquante pour les spectateurs à l’époque, le réalisateur a transmis aux générations futures sa technique de montage novatrice. Son principe apparaît tant dans Le Parrain de Coppola que dans Les Incorruptibles de Brian de Palma, qui reproduisent presque la célèbre scène de la fusillade sur les marches d’Odessa.

Le Cuirassé Potemkine a été qualifié de meilleur film de l’histoire du cinéma (notamment par Orson Welles, Billy Wilder et d’autres grands réalisateurs américains) si souvent qu’il est devenu synonyme d’innovation et de réussite esthétique.

Quand passent les cigognes (1957)

Le film de Mikhaïl Kalatozov, réalisé quatre ans après la mort de Staline, fut distribué aux États-Unis par le studio Warner Brothers en 1960, après avoir remporté la Palme d'or au festival de Cannes – c’est le seul film soviétique à avoir remporté ce prix. Les critiques furent frappés par « l’aversion absolue vis-à-vis de la guerre, qui n’a pas de frontières géographiques ou politiques, et l’absence de la propagande stalinienne ».

En effet, l’histoire de Veronika, qui décide de quitter son mari qu’elle n’aime pas et préserver la mémoire de l’homme aimé, mort à la guerre, était parfaitement internationale et racontée avec sincérité. Quand passent les cigognes se classe à ce jour en tête des meilleurs films sur la guerre.

L’œuvre a par ailleurs influencé le langage cinématographique. Le directeur de la photographie Haskell Wexler, primé deux fois aux Oscar, reconnaissait avoir tout appris chez Sergueï Ouroussevski, qui a collaboré à Quand passent les cigognes, et même avoir reproduit ses méthodes 20 ans plus tard.

Andreï Roublev (1966)

Le film d’Andreï Tarkovski, qui retrace la vie du peintre d’icônes du XVe siècle, a connu un destin difficile. Malgré la demande du Festival de Cannes, les autorités russes refusèrent de le présenter en 1967 et le remplacèrent par Guerre et Paix. Roublev ne fut présenté à Cannes que trois ans plus tard, au dernier jour du festival et hors concours, mais remporta tout de même le prix de la FIPRESCI.

En 1971, une version censurée sort en URSS et fait d’emblée près de trois millions d’entrées. Une autre version, amputée de 20 minutes par Columbia pour des raisons commerciales, sort aux États-Unis en 1973 : les coupes ne rendent pas justice au film et les critiques de la presse sont négatives. Au milieu des années 90, la version originale de Tarkovski de 205 minutes sort sur DVD. Martin Scorcese l’achète à l’occasion d’un voyage en URSS et l’œuvre connaît une seconde vie.

Le sujet, la localisation et l’époque où se situe le film font, peut-être, qu’il reste d’actualité aujourd’hui. Les cinéastes de générations et de styles différents l’ont acclamé. Ainsi, Ingmar Bergman a dit que « personne ne se sent aussi à l’aise dans le monde des rêves que Tarkovski ».

Guerre et Paix (1966)

L’adaptation cinématographique du roman de Tolstoï n’aurait peut-être jamais vu le jour si la version américaine de Guerre et Paix de King Vidor n’était pas sortie au cinéma en URSS en 1959.

Ce n’est qu’alors que le tournage du film, considéré non officiellement comme le plus onéreux de l’histoire du cinéma, fut approuvé : aucun studio de Hollywood n’aurait assumé une opération qui dura finalement cinq ans et rassembla jusqu’à 120 000 figurants et soldats dans une scène de guerre.

Divisée en deux parties, l’œuvre de six heures est à la fois la première réalisation soviétique à recevoir l’Oscar du meilleur film étranger. C’est aussi le film le plus long jamais tourné.

En 1969, quand Guerre et Paix est sorti sur les écrans américains, le critique très influent Roger Ebert écrivit que le réalisateur soviétique avait réussi le meilleur cinéma épique de l’histoire et surpassé le sommet du genre jusqu’alors, Autant en emporte le vent.

Le Hérisson dans le brouillard (1975)

Le dessin animé de 10 minutes de Youri Norstein sur un hérisson perdu dans le brouillard qui rend visite à son ami l’ours est si populaire aux États-Unis que la série américaine Les Griffin lui consacre un épisode dans sa huitième saison. Dans ce passage, un porc-épic dans le « fog » se moque des Américains qui ont inventé le hamburger au porc-épic.

Cette satire des Américains capables de consommer des œuvres d’art comme un hamburger relève du fantastique. Le choix du Hérissondans le brouillard en dit long sur les créateurs de la série et la popularité du dessin animé.

De nombreuses études ont été publiées sur le sens philosophique du court métrage de Norstein dans une multitude de langues : on parle de la solitude existentielle et de l’horreur des choses quotidiennes qui prennent des allures sinistres sous un certain angle. Cette année, le journal britannique The Telegraph l’a classé 19ème dans sa liste des meilleurs dessins animés pour enfants.

Si les parents russes regrettent aujourd’hui que leurs enfants regardent des dessins animés hollywoodiens auxquels ils reprochent d’être « violents », on peut leur répondre que les enfants occidentaux regardent bien des dessins animés russes. Enfin, en l’occurrence, il ne s’agit que d’un dessin animé russe, mais il est assez violent à sa façon. 

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