Si l’art russe m’était donné : une exposition unique s’ouvre à Beaubourg

Centre Pompidou.

Centre Pompidou.

Mirko Angeli / Alamy Stock Photo
Environ 250 œuvres de l’art russe moderne des années 1950 à 2000 ont été rassemblées par la Fondation Potanine, des collectionneurs et des peintres.

Le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou accueillera du 14 septembre au 27 mars une exposition intitulée « Kollektsia ! Art contemporain en URSS et en Russie. 1950–2000. Un don majeur ». Et il ne s’agit pas d’une simple présentation d’artistes russes : toutes les œuvres seront par la suite intégrées dans l’exposition permanente du Musée au Niveau 4.

« Nous estimons très important de faire connaître l’art russe moderne et de l’inclure dans le contexte mondial. Ce projet nous permet d’exposer des peintres qui ne sont pas toujours connus à l’étranger mais qui n’en sont pas moins talentueux, et de les introduire sur le marché international, de faire découvrir de nouveaux noms ou de présenter sous un nouveau jour ceux que l’Occident connaît déjà. Et surtout de montrer l’histoire panoramique de l’art russe en tant que partie de l’histoire mondiale des arts », a indiqué à RBTH Oksana Oratcheva, directrice générale de la Fondation caritative Vladimir Potanine, initiateur du projet.

Initiative rare

« C’est une opération sans précédent dans l’histoire, qui prouve que la culture peut aller plus loin que tout instrument politique », a déclaré la commissaire russe du projet Olga Sviblova, directrice du Multimedia Art Museum de Moscou, qui a organisé au cours des vingt dernières années de nombreuses manifestations culturelles franco-russes. Elle indique que « cette idée folle » lui est venue au cours d’un entretien avec Bernard Blistène, directeur du Musée national d'art moderne du Centre Pompidou, qui, réagissant à sa proposition de réunir une collection pour l’offrir à l’établissement a répondu : « Chiche ! ».

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Auarium, tour. Oeuvre d&#39;Iouri Avvakoumov.nService de presse <p>Auarium, tour. Oeuvre d&#39;Iouri Avvakoumov.</p>n
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Portrait. Vladimir Iankilevsky.nService de presse <p>Portrait. Vladimir Iankilevsky.</p>n
 
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« Rassembler une collection semble facile, mais seulement à première vue, car le travail à accomplir est énorme. Premièrement, il reste très peu d’œuvres dignes des musées sur le marché : l’art d’après-guerre a depuis longtemps trouvé sa place dans les collections ou reste dans les familles des artistes, les prix démarrant à 40 000 euros. Deuxièmement, les musées n’acceptent jamais tout ce qui leur est proposé en don : une commission spéciale doit estimer la valeur artistique de chaque œuvre et pour que le cadeau final ait du poids, les curateurs ont dû rassembler plus de 1000 œuvres parmi lesquelles ont été sélectionnées ces environ 250 pièces ».

Ce projet fantastique a su marier capacités et souhaits, deux pôles opposés. D’un côté, l’aspiration du Centre Pompidou à élargir sa collection d’art russe du XXe siècle jusqu’à en faire une rétrospective. De l’autre, les capacités de la Fondation caritative Vladimir Potanine, l’un des grands promoteurs de l’art russe dans le monde. La Fondation s’est déjà manifestée en France en 2003 avec l’exposition « Quand la Russie parlait français » organisée aux Invalides puis à l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Mise en place par un milliardaire russe excentrique qui a annoncé dès 2010 que toute sa fortune irait à la bienfaisance, la Fondation, qui porte son nom, est l’un des grands donateurs du musée de l’Ermitage. Dans le projet actuel, elle s’est manifestée en qualité d’organisatrice en achetant aux peintres et à leurs héritiers des œuvres pour cette collection.

« L’initiative est née il y a environ un an, mais il n’existait pas de projet concret : il y avait l’idée d’Olga Sviblova, celle du Centre Pompidou et la nôtre. Finalement, elles se sont toutes combinées au sein d’un projet, raconte la directrice générale de la Fondation Potanine, Oksana Oratcheva. D’une part, la Fondation présente depuis longtemps la culture russe à l’étranger par le biais de grands projets. D’autre part, le Centre Pompidou fêtera l’année prochaine son 40ème anniversaire, et souhaitait le marquer notamment par l’enrichissement de ses collections ».

Fait symbolique : le don est destiné non seulement au musée, mais également à la République française qui, en commun avec la Russie, fêtera en 2017 le 300ème anniversaire de la visite de Pierre le Grand en France.

Environ 250 œuvres de 59 peintres et groupes artistiques

L’histoire « russe » de la collection de Beaubourg est assez riche, mais jusqu’ici, elle s’interrompait aux années 1930. La collection de Vassili Kandinsky, léguée à l’établissement par la veuve du grand artiste, Nina, fait l’objet de toutes les convoitises des musées du monde. C’est également vrai pour les œuvres des maîtres de l’avant-garde russe Nathalie Gontcharova et Michel Larionov ainsi que celles des constructivistes Antoine Pevsner et les frères Stenberg. Mais la suite de l’histoire de cette collection du musée est fragmentaire et les rares entrées d’œuvres de l’art russe de l’après-guerre et moderne sont le mérite de directeurs et curateurs du Centre, notamment de Jean-Hubert Martin.

Satellite. Dmitri Gounov.  / Service de presse. Satellite. Dmitri Gounov. / Service de presse.

Les œuvres de la collection actuelle correspondent à la seconde moitié du XXe siècle, depuis la fin des années 1950 et le début des années 1960 jusqu’au milieu des années 2000. La plus grande partie date des années 1960 à 1980 et présente l’art soviétique underground, les non conformistes, le Sots art (le soviet pop art) et le conceptualisme moscovite, soit le gratin de la vie artistique de Moscou et de Saint-Pétersbourg au fil de cinquante ans : de Boris Touretski, Oscar Rabine et Francisco Infante à Erik Boulatov, Youri Albert et les groupes Actions collectives et AES+F.

Les œuvres ont été sélectionnées par Olga Sviblova et Nicolas Liucci-Goutnikov, commissaire français de l’exposition, selon la procédure retenue en France pour compléter une collection de musée : toutes les œuvres ont été approuvées par la commission d’acquisitions.

Un rôle important dans le projet revient aux collectionneurs, ainsi qu’aux artistes et à leurs familles. « Ils ont tous proposé des œuvres pour le projet. Les collectionneurs ne sont pas uniquement russes, mais également français. C’est vraiment un partenariat », a constaté Oksana Oratcheva.

Plusieurs œuvres sont offertes par les créateurs de la Fondation de culture Ekaterina, Vladimir et Ekaterina Semenikhine, par la propriétaire du journal The Art Newspaper, Inna Bajenova, par Igor Tsoukanov, Nik Iline, les époux Manacherov et deux collectionneurs français d’art russe, Pierre-Christian Brochet et Paquita Escofet Miro.

Mme Miro, qui a vécu un certain temps en Russie, fait don de dix pièces de sa collection. Elle a raconté qu’elle avait commencé à collectionner l’art russe à la fin des années 1980, plus tôt que tous les autres étrangers, et que c’était « un bonheur » pour elle de présenter ses peintres préférés dans un grand musée.

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