Les peintres russes préférés des faussaires

Ruslan Krivobok / RIA Novosti
Une bouilloire « à la Zverev » ou un paysage « à la Chichkine » : l’imagination des faussaires est inépuisable.

Des scandales liés à de faux tableaux de classiques russes secouent le marché des arts tous les ans. RBTH revient sur les artistes russes dont les œuvres sont particulièrement prisées par les faussaires.

Kazimir Malevitch : la copie à échelle industrielle

Les figures de proue de l’avant-garde russe, Kazimir Malevitch et Vassili Kandinsky, sont célèbres dans le monde entier. Mais cette renommée attire les faussaires comme un aimant.

Leurs proies de prédilection ? Les œuvres de Kazimir Malevitch qui, selon les statistiques des ventes aux enchères, est le peintre russe le plus cher (sa Composition suprématiste a été vendue en 2008 pour 60 millions de dollars).

L’un des scandales les plus retentissants remonte à 2013. Les services secrets allemands ont démasqué un gang qui réalisait des imitations de tableaux d’avant-gardistes russes. La vente de 400 faux a pu être prouvée.

La même année, la police russe a arrêté le peintre Alexandre Tchernov et sa fille, qui ont réussi à vendre aux collectionneurs plus de 800 faux. Dans les deux cas, la plupart des tableaux étaient attribués à Kazimir Malevitch.

Natalia Gontcharova : faux et usage de faux

S’il ne sera sans doute jamais possible de préciser le nombre de faux Kazimir Malevitch, les œuvres douteuses de « l’amazone de l’avant-garde », Natalia Gontcharova, ont même été publiées il y a plusieurs années dans des magazines européens.

La Grande-Bretagne a fait paraître en 2010 le livre d’Anthony Parton The art ans design of Natalia Gontcharova et la Belgique a édité un an plus tard le catalogue raisonné de Denise Bazetoux Natalia Gontcharova, son œuvre entre tradition et modernité.

Les deux livres ont provoqué des remous en Russie. Les experts dans le domaine de l’avant-garde de la Galerie Tretiakov et du Musée Russe ont exprimé des doutes quant à l’authenticité de plus de la moitié des tableaux publiés dans ces livres.

Ivan Aïvazovsky : les marines toujours en vogue

Le maître russe de la peinture de marine, Ivan Aïvazovsky, était très populaire de son vivant, ce qui a provoqué dès le XIXe siècle l’apparition de paysages « à la Aïvazovsky » qui se sont retrouvés sur le marché actuel comme des œuvres authentiques du grand artiste.

En outre, Aïvazovsky était très travailleur et les experts ne peuvent toujours pas se mettre d’accord sur le nombre exact de tableaux qu’il a réalisés, les chiffres cités allant de 6 000 à 15 000. Qui plus est, il n’existe pas d’inventaire complet de ses œuvres. Rares sont les enchères qui ne proposent aucun tableau du peintre. Ce qui fait le jeu des faussaires, en leur permettant d’introduire sans cesse de « nouvelles œuvres » d’Aïvazovsky.

Ivan Chichkine : allemands à la sauce russe

Les faussaires profitent du fait que l’auteur de paysages réaliste Ivan Chichkine ait vécu pendant assez longtemps en Allemagne en peignant ses tableaux à la manière des artistes allemands de la fin du XIXe siècle.

Et si pour les Russes, Chichkine est un maître inégalé, les amateurs d’art européens n’y voient souvent qu’un peintre moyen de l’Ecole de peinture de Düsseldorf. Le schéma mis au point par les faussaires était très simple : ils achetaient lors d’enchères en Europe des toiles du même style pour 10 000 à 20 000 euros, effaçaient la signature de l’auteur et ajoutaient des détails propres au paysage russe. Le tour était joué : une « nouvelle œuvre » de Chichkine valant plusieurs centaines de milliers d’euros apparaissait sur le marché.

Les copies de certains faux ont même été publiées dans des catalogues. C’est ce qui est arrivé à un paysage du Norvégien Sophys Jacobsen qui a longtemps vécu et travaillé à Düsseldorf. Son tableau a été vendu aux enchères de la Maison Van Ham pour 13 700 euros. Quelques années plus tard, la toile a refait surface comme Forêt d’hiver de Chichkine.

AnatoliZverev : quand l’artiste devient faussaire

Alfred Barr, historien américain qui fut le premier directeur du Museum of Modern Art à New York (MoMA), comparait Anatoli Zvrerev (1931-1986) à Picasso. Et bien que le peintre russe ait été à l’honneur d’expositions personnelles à Paris et à Genève dans les années 1960, il ne fut pas officiellement reconnu en Union soviétique.

La diversité des styles d’Anatoli Zverev est d’ailleurs un terrain propice à la réalisation de faux. Toutefois, aussi absurde que cela puisse paraître, l’artiste contribua lui-même à l’apparition d’imitations. Selon le peintre Dmitri Plavinski, la femme d’Anatoli Zverev a réalisé plusieurs dizaines, voire centaines, de tableaux représentant des bouilloires.

L’artiste, connu pour son addiction à l’alcool, a signé ces toiles et les a remises au chef d’orchestre Igor Markevitch qui les sortit à Paris. Depuis, les ventes aux enchères européennes et américaines proposent assez souvent des bouilloires qui n’ont rien à voir avec Anatoli Zverev.

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