Les contes de l’oncle Teo

Plus d’une génération de Français a grandi avec les livres qu’il a illustrés. En France, cet artiste de talent était connu sous le pseudonyme de Teo Rojan. En réalité, il était Russe et s’appelait Fiodor Rojankovsky.

Artiste au front

Fiodor est né en 1891 dans l’Empire russe, à Mitau (aujourd’hui en Lettonie). Tout petit, il était toujours impressionné par les visites au zoo où il observait, des heures durant, les ours, les tigres et les éléphants. Lorsque ses parents lui ont offert un jour une boîte de craies, il a commencé à dessiner des animaux.

Crédit : Service de presse

Fiodor Rojankovski entre à l’Ecole de peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou. C’est un élève brillant qui voit s’ouvrir de larges horizons devant lui, mais la Première Guerre mondiale fait basculer ses projets d’avenir. Fiodor est appelé sous les drapeaux, mais il ne se sépare pas de son crayon même sous le grondement des canons ou le sifflement des balles. Blessé, il se retrouve à l’hôpital où il dessine des scènes de la vie de soldats, des tracts et des affiches.

Quand la Russie se retire de la guerre, Fiodor trouve un emploi : il réalise des affiches publicitaires, des couvertures de livres et des caricatures pour les journaux. Mais une nouvelle guerre vient bouleverser sa vie : cette fois-ci civile. Il va combattre dans les rangs de l’Armée blanche. Après la défaite des Blancs, il émigre en Pologne, puis, en 1925 en France.

La vie à Paris en dessins

Paris regorge à cette époque d’immigrés russes fuyant la faim et la terreur, conséquences de la Révolution d’Octobre et de la guerre civile. Chacun survit comme il peut : les généraux deviennent chauffeurs de taxi, les pupilles des pensionnats pour jeunes filles de la noblesse travaillent comme blanchisseuses et nurses, tandis que les cosaques sont manœuvres.

Fiodor Rojankovski a de la chance : il ne doit aller ni à l’usine ni à une station-service, car son talent est remarqué par des éditions, des journaux et des magazines russophones. Finalement, la renommée sur cet illustrateur de talent arrive jusqu’aux maisons d’éditions françaises. Il devient caricaturiste pour Le Rire et plusieurs grandes revues sous le pseudonyme de Teo Rojan.

Toutefois, c’est en illustrant des livres pour enfants que le dessinateur connaît la gloire. La rencontre de couleurs vives, d’images audacieuses et vivantes, c’est ce que Fiodor Rojankovski tient de la peinture populaire russe qui met en valeur non seulement les hommes, mais également les animaux. Ce qui est tout à fait nouveau et inhabituel pour les enfants en France.

Il est invité à travailler pour les maisons d’éditions Fernand Nathan et Flammarion. Cette dernière commence à faire paraître en 1936 la collection Albums du Père Castor. Fiodor Rojankovski avance un nouveau concept : un livre-jeu qui intéressera l’enfant, mais qui l’obligera aussi à réfléchir et à créer. C’est lui qui propose que l’illustration ne soit pas isolée du texte, qu’elle y soit incrustée afin que le dessin complète ce texte et aide ce dernier à transmettre l’humeur appropriée.

Fiodor Rojankovski dessine non seulement pour les enfants, mais aussi pour les adultes. Il devient célèbre grâce à ses illustrations érotiques pour des livres de Théophile Gautier, Pierre Louÿs et Raymond Radiguet.

Le papa de l’ourson Michka

Les plus célèbres de ses illustrations sont celles qu’il réalise pour Michka, un livre de Marie Colmont. C’est l’histoire émouvante d’une petite peluche – avec des boutons à la place des yeux et un point de croix en guise de nez – qui s’enfuit la veille de Noël dans la forêt loin de sa propriétaire, une petite fille hautaine et mal élevée. L’ourson savoure sa nouvelle vie, en gambadant dans la forêt et en grondant comme s’il était un vrai ours sauvage. Mais un jour, il apprend qu’un petit garçon malade est resté sans cadeaux. Michka décide de sacrifier sa liberté et de devenir le jouet de cet enfant.

L’illustrateur réussit à insuffler une âme russe à ce conte, en remplissant l’image de détails qui lui sont chers depuis l’enfance : de gros tas de neige, des sapins, des izbas et des icônes dans un coin de la pièce.

Outre-Atlantique

En 1940, Paris est occupée par les nazis. Fiodor Rojankovski doit s’exiler aux Etats-Unis. Pour son bonheur, il ne reste pas sans travail. Il signe des contrats avec des éditions Simon&Schuster qui font paraître Golden books. En 1956, pour l’illustration du livre Le Crapaud se marie, il se voit attribuer la Médaille Caldecott, récompense décernée à l’illustrateur du meilleur livre pour enfants américain de l’année.

Il a illustré environ 130 livres pour enfants. On lui demandait souvent comment il arrivait à rendre ses  personnages aussi vivants et émouvants. « Le secret est simple : j’ai toujours aimé la nature, les enfants et les animaux », répondait-il.

Fiodor Rojankovski est décédé à New York en 1970, mais il repose en France, au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois.

« Pas de jour sans une ligne », telle fut sa devise jusqu’à la fin de ses jours. C’est d’ailleurs le titre d’un documentaire réalisé par Alexandre Gourianov aux studios Rousski pout (Chemin russe) sur la vie de Fiodor Rojankovski.

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