Stas Borodine : « Je n’aime pas l’art contemporain »

Veules-les-Roses. Normandie. 2012.

Veules-les-Roses. Normandie. 2012.

Les Saisons russes de Lyon
​À l'occasion de la première édition des Saisons russes de Lyon, RBTH a rencontré le peintre impressionniste Stas Borodine, une des figures clés de l'événement.

RBTH : À notre époque, de nombreux artistes à la recherche de moyens de s’exprimer s’inscrivent dans de nouveaux courants qui tendent vers l’avant-garde. Pourquoi avez-vous décidé de poursuivre les traditions des Ambulants ?

Stas Borodine : Je vous le dirai franchement, je n’aime pas l’art contemporain.

Les artistes anciens (d’il y a 500, mille ans) travaillaient essentiellement pour l’église et ils disaient que Dieu était le principal créateur. Dieu-créateur qui a tout créé. La mission des artistes était de montrer la beauté qu’il a créée. Les artistes étaient secondaires.

À un certain point, les artistes ont déclaré qu’ils étaient des créateurs, se mettant ainsi sur le même pied que Dieu. Ce que vous voyez autour de vous en est le résultat. Les artistes contemporains sont plutôt des décorateurs. Le mot « mode » s’applique désormais massivement à l’art. Un artiste sérieux travaille pour l’art, il doit apprendre en permanence, faire des efforts, se fixer des objectifs. Les artistes contemporains travaillent pour épater, pour la plupart d’entre eux.

Stas Borodine. Crédit : Les Saisons russes de Lyon

J’appartiens à l'ancienne école, c’est pourquoi je poursuis les traditions classiques.

RBTH : Qu’avez-vous apporté de nouveau au mouvement des Ambulants ?

S B : Le plus important chez un artiste, c’est le travail, il faut travailler dans son propre style. Apporter quelque chose de nouveau, c’est pactiser avec le diable. Je travaille dans les traditions de mes prédécesseurs, dans les traditions de l’école française. Malheureusement, cette école n’existe plus en France.

J’ai impression que la barre de l’art a été tellement abaissée que chacun peut prendre le pinceau et se dire artiste. C’est ce que font des tas de gens. Généralement, ils ne font que deux tableaux dans leur vie. Et rien d’autre.

RBTH : Quel sens mettez-vous dans vos œuvres ? Comment cherchez-vous à montrer le monde ?

S B : Je ne cherche pas à montrer le monde d’une manière particulière, je ne fais que travailler. Le travail d’un artiste se divise en deux parties : son propre travail et le public qui fréquente ses expositions. Certains les aiment, d’autres non.

Autrefois, en URSS, il y avait des règles concernant ceux qu’on exposait, ceux qu’on n’exposait pas, ceux qu’on classait meilleur artiste ou mauvais artiste. Aujourd’hui, malheureusement, tout le monde court après l’argent et pense aux moyens de vendre ses tableaux. Cette question se pose avant même que le tableau ne soit créé.

RBTH : Quels sont, pour vous, les avantages de la peinture en plein air ? Quelles idées, couleurs et formes trouvez-vous dans la nature ?

S B : Le travail dans la nature est une technique difficile, particulière. Dans la nature, tout change, presqu’à chaque instant. Si le vent se met à souffler, le paysage change complètement, et il faut le ressentir et transmettre.

Les Français ont, d’ailleurs inventé la technique alla prima, le travail « au premier coup ». Cette technique permet de travailler 3 à 4 heures. Dans un atelier, on peut travailler bien plus longtemps quand on peint une nature morte, par exemple. La lumière y est stable, on peut réfléchir longtemps. En plein air, la situation est évidemment différente : la lumière et les ombres peuvent changer spontanément.

RBTH : Dans le cadre des Saisons russes de Lyon, deux documentaires seront présentés au public – l’un sur vous, l’autre consacré à votre compatriote Alexandre Borissov. Cet artiste occupe une place particulière dans votre vie – vous avez beaucoup œuvré à la renaissance de sa mémoire, mais avez aussi entrepris un voyage dans le Nord sur les traces de ses expéditions.   

S B : Alexandre Borissov occupe, effectivement, une place particulière dans ma vie. Il a beaucoup travaillé dans le Nord et a fait plusieurs expéditions dans le cercle polaire. Il a été l’un des premiers à y peindre des toiles. Mon expédition lui était consacrée. Elle a duré trois semaines et s’est déroulée dans la mer Blanche, la mer de Barents et la mer de Kara. J’y ai fait des études dans les lieux où travaillait Borissov.

Il n’était pas simple de travailler dans des conditions extrêmes, mais c’était intéressant. Deux facteurs influaient sur la technique – premièrement, notre bateau était constamment en mouvement et nous descendions rarement sur terre. Heureusement, il n’y a pas eu de grosses tempêtes, mais la mer n’était pas toujours calme. Avec l’équipage, nous plaisantions souvent à ce sujet et avons même inventé un nouveau nom de technique, vibrotouche. La température de l’air avait également un impact. Notre expédition s’est faite en été, donc nous n’avons pas connu de froid sévère, mais la température était tout de même basse, de 4-5°. Il fallait donc travailler vite. De nombreux paysages de ma collection Études d’Arctique ont été peints en 20-30 minutes à peine.

RBTH : Votre exposition « La France à travers les yeux d’un peintre-paysagiste russe » sera également présentée au cours des Saisons. Parlez-nous-en.

S B : Pour cette exposition, j’ai choisi des paysages, ils sont majoritaires, des natures mortes et plusieurs portraits. J’ai peint ces toiles aussi bien en Russie qu’en France. L’exposition présentera, notamment, mes toiles parisiennes récentes. J’aime beaucoup le quartier situé près de Pont Neuf. Il offre une très belle perspective. J’adore peindre les bateaux amarrés le long des quais de la Seine. Il y aura plusieurs toiles faites en Normandie – le lieu magique d’Etretat, le village de Veules-les-Roses, situé sur la côte, plusieurs paysages de Marseille. Le public français devrait également apprécier les paysages d’hiver que j’ai peints en Russie. 

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