« The Foundry » ou la liberté artistique totale

L’œuvre de Jens Haaning et Santiago Sierra exposée à « The Foundry ».

L’œuvre de Jens Haaning et Santiago Sierra exposée à « The Foundry ».

Gleb Kossoroukov
Cet été, l’artiste russe Andreï Molodkin a ouvert « The Foundry », un nouvel espace d’exposition et de résidence d’artistes au sein d’une ancienne fonderie située à Maubourguet, près de Toulouse. Il le conçoit comme un site artistique libre de toute censure.

RBTH : Comment avez-vous trouvé cet espace et pourquoi avez-vous décidé d’y ouvrir une galerie d’exposition et résidence ?

Andreï Molodkin : Au début des années 2000, je venais souvent ici pour mes créations – des sculptures en plastique et en métal que je préparais dans les usines consacrées à l’industrie aéronautique, nombreuses dans la région. Quand j’ai visité pour la première fois cette fonderie, construite en 1870, elle était encore en activité. J’ai été frappé par cet espace. Quand j’y suis retourné en 2013, je l’ai trouvé vide : l’usine avait fermé. J’ai demandé à la mairie si je pouvais racheter ces bâtiments. C’était possible.

Andreï Molodkin. Crédit : AP

C’est 4 500 mètres carrés de surfaces dont 2 000 mètres carrés pouvant servir pour des expositions. Les surfaces restantes sont réservées aux ateliers et résidences d’artistes qui y prépareront leurs expositions. C’est pratique pour eux, car les usines alentour ont ce qu’il faut pour réaliser leurs œuvres. Ici, ils auront à leur disposition des machines, des engins de levage, des instruments pour l’assemblage final des installations. J’élabore ce projet en collaboration avec la fondation londonienne A/Political, spécialisée dans l’aide aux projets artistiques audacieux, auxquels les galeries et les musées n’osent pas s’attaquer.

Depuis quand collaborez-vous avec cette fondation ?

En 2008, j’ai rencontré Andreï Tretiakov, l’homme d’affaires devenu un collectionneur passionné d’art contemporain qui a créé la fondation en 2014. Il a produit l’une de mes expositions à Londres. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’artistes qui ne peuvent pas réaliser leurs projets pour différentes raisons, tant politiques que commerciales. Même un artiste célèbre comme Santiago Sierra est confronté à de tels problèmes.

Pourquoi avez-vous choisi, pour le lancement de « The Foundry », cette réalisation commune de Santiago Sierra et de l’artiste danois Jens Haaning, qui avait déjà été exposée à Copenhague ?

Les artistes ne sont pas satisfaits de la présentation qui en a été faite à l’exposition de Copenhague. Cette œuvre est une sculpture qui se présente comme une phrase composée de 31 lettres de trois mètres – TIRED OF THIS GLOBAL SADISTIC REGIME. À Copenhague, elle a été présentée dans l’espace raffiné de la galerie avec des plafonds bas. L’œuvre ne collait pas avec les murs. Quand je leur ai montré l’espace de « The Foundry », ils ont tout de suite compris que, dans l’entourage brut de la fonderie, l’œuvre se verrait très différemment.

Vous évoquez des projets que les galeries et les musées n’osent pas présenter. Pour quelles raisons ?

Les raisons sont nombreuses. Aujourd’hui, la pression commerciale sur les artistes se fait de plus en plus forte. Les galeries ne veulent pas prendre de risques lorsqu’elles investissent. Les musées doivent faire valider les projets par les mécènes et les sponsors. Les musées vous diront combien de visiteurs ont assisté à l’exposition, combien de titres elle a fait dans la presse – tout est chiffré. Et on se sent alors comme un otage d’une production capitaliste. De nombreux artistes sont lassés par cette situation, moi compris.

The « Foundry » sera un espace qui apportera aux artistes invités une liberté optimale et un confort artistique. L’artiste sera libre de choisir à qui il veut présenter ou non son œuvre : il pourra s’agir du grand public ou des invités seulement. C’est un espace privé et nous pourrons y montrer des œuvres qui pourraient être considérées comme politiquement incorrectes, sans qu’on puisse interdire leur présentation.

Biographie

Diplômé en architecture et design industriel de l’Académie Stroganov de Moscou, Andreï Molodkin est un artiste conceptuel russe internationalement reconnu qui vit et travaille à Paris. Il est surtout connu pour ses tableaux au stylo à bille et ses sculptures emplies de pétrole. En 2009, il a représenté la Russie à la Biennale de Venise.

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