Source : Service de presse
L'exposition présente cinquante ans d'histoire en dessins, plans et objets – meubles, lampes, radios-gramophones. Il n'existe que très peu d'exemplaires de ces objets qui pourraient facilement rivaliser avec les meilleurs modèles occidentaux, et qui furent conçus par des artistes avant-gardistes et d'illustres architectes : leur valeur ayant longtemps été incomprise, peu d'objets ont été conservés.
Le design soviétique est un cocktail mêlant styles et contexte historique. Son émergence a coïncidé avec l'apparition de deux révolutions : l'une, politique, a bouleversé le milieu social des « consommateurs » d'art et de design ; l'autre, artistique, était déjà en cours.
Dans les années 1920, époque de la montée de l'avant-garde, les Vkhoutemas (Ateliers supérieurs artistiques et techniques) de Moscou s’imposèrent comme le centre du design et, ainsi, l'analogue du Bauhaus. Y ont enseigné Rodtchenko, El Lissitski et Tatline.
L'État a annoncé la création des premiers concours pour la conception de mobilier de grande consommation pour les prolétaires ; les artistes ont proposé plusieurs variantes multifonctionnelles, fabriquées à partir d'éléments simples. L'exemple le plus brillant d'entre eux fut le projet d'intérieur d'un club d'ouvriers, conçu par Rodtchenko pour la section soviétique de la légendaire exposition de Paris en 1925.
Celle-ci marqua le triomphe européen de l'Art déco, le pavillon de Le Corbusier « l'Esprit Nouveau » y étant presque passé inaperçu. Les idées de Rodtchenko prônant des formes simples et rationnelles étaient déjà présentes à l'esprit de ce dernier.
Dans les années 1930, on demande aux objets d'être conformes à l'idéologie : tout, même le mobilier, devait inculquer le sentiment social de fierté des bâtisseurs du communisme. La symbolique soviétique - étoile, faucille, marteau, épis de blé - est omniprésente. Mais ce n'est qu'une décoration ; les formes sont empruntées à l'art du passé - l'art nouveau et le néoclassicisme.
Le virage en faveur de l'idéologie peut être aisément observé sur un objet du quotidien : la lampe de bureau. Sur les portraits peints de Lénine, on peut voir sur la table une lampe avec un abat-jour vert en verre en forme de champignon.
Sur les photos du bureau de Staline, on trouve une lampe « de Commissaire du peuple » en métal sombre avec un abat-jour étroit en tissu et avec une faucille et un marteau. Ces lampes étaient produites par l'usine « Elektrosvet », mais elles n'ont pas été mises en vente : elles étaient livrées aux bureaux du Kremlin.
Autre objet caractéristique de l'époque soviétique, le mobilier en chêne de la maison-commune « Pain du communisme » à Smolensk, créé en 1937 par le sculpteur Igor Krestovski. La bibliothèque, le canapé en cuir et les chaises rappellent les formes des meubles du style art nouveau.
Mais le dessin sur le dos du fauteuil et sur la porte de l'armoire représente une faucille, les motifs floraux sont remplacés par des gerbes de blé et les volutes laissent place aux étoiles. Ce style imposant, qui prend le nom de « style impérial stalinien », entre en vigueur.
L'un des projets globaux à la fin des années 1920 et au début des années 1930 fut la construction de « La Maison du gouvernement » qui est entrée dans l'histoire sous le nom du roman de l'un de ses habitants, l'écrivain Iouri Trifonov, « la Maison du quai ». L'architecte Boris Iofan était non seulement responsable « des murs », mais aussi de l'agencement : les meubles des appartements ont été réalisés d'après ses croquis. Et bien que l'intérieur du bâtiment soit un modèle typique du style impérial stalinien avec ses magnifiques fresques au plafond, les meubles sont un exemple du constructivisme.
Les six plus grands chefs-d’œuvre de l’architecture soviétique des années 1920 à 1950
En 1955, Khrouchtchev signe un décret du gouvernement « sur l'élimination des excès dans la construction ». Le logement de masse que l'on peut rapidement monter à partir d'éléments standards – les immeubles dits « khrouchtchevki » – a exigé d'adopter une nouvelle approche de l'intérieur : les meubles d'avant-guerre ne pouvaient tout simplement pas tenir dans ces petites pièces.
Dans les années 1950, Iouri Sloutchevski a imaginé un système modulaire régulant le rapport entre la hauteur et la largeur des meubles en fonction de la taille de l'homme. Les ateliers de conception, transformés plus tard en Institut du Mobilier, conçoivent des intérieurs qui s'appuient toujours sur les principes du constructivisme.
L'exposition en montre un exemple : l'étagère en noyer d'un appartement « modèle » dans un immeuble du Prospekt Mira, qui fut construit par un groupe d'architectes dirigé par Ivan Joltovski. L'immeuble était destiné à l'élite moscovite, mais à celle d'une tout autre époque.
Plus d'information sur muar.ru (en anglais)
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