Alexander Kosolapov : quand le Sots art rencontre le Pop art

Alexander Kosolapov pose devant son oeuvre Mercedes ROC (Russian Orthodox Church). Crédit : Chloé Valette

Alexander Kosolapov pose devant son oeuvre Mercedes ROC (Russian Orthodox Church). Crédit : Chloé Valette

L’un des grands maîtres de l’art contemporain russe et père du Sots art (le soviet pop art) signe son grand retour à Paris, après un premier passage en 2007, puis en 2010. Mélangeant éléments de la culture pop américaine et de l’idéologie soviétique, Alexander Kosolapov est un véritable concentré de provocation, un coktail molotov du détournement artistique. Eminemment politiques, ses œuvres dérangent. Connue pour ses choix entiers, la galerie Vallois accueillera jusqu’au 26 juillet 2014 les créations inédites et subversives de cet artiste de talent.

L’art est-il intrinsèquement politique ? Pour Alexander Kosolapov, l’art est d’abord le reflet de la société. « L’art actif est lié aux problèmes de notre société. En ce sens, mes œuvres ont quelque chose de politique », confie l’artiste à RBTH. « Mais dans mon travail, ce que je recherche, ce n’est pas tant la critique que l’analyse d’un nouveau modèle idéologique : une nouvelle iconographie, de nouvelles perspectives », répond doucement l’artiste. Quoi qu’il en soit, les oeuvres d’Alexander Kosolapov sont d’une actualité brûlante. Elles examinent le présent, sondent le futur, analysent les processus sociétaux. Chacune d’entre elles rappellent, d’une manière ou d’une autre, un évènement en cours, une tendance sociale, une évolution du monde contemporain.

Au commencement était le Sots art 

Alexander Kosolapov est l’un des membres fondateurs du Sots art. « Le Sots art est un courant portant à réflexion sur la société environnante, mais à la différence du Pop art, il porte sur l’idéologie, principal produit fabriqué par l’Union soviétique », explique-t-il. Au contact de la société américaine où il vit aujourd’hui, Alexander Kosolapov s’empare également du Pop art et, le mêlant adroitement au Sots art, il prend un malin plaisir à détourner les codes du consumérisme américain. Ses projets artistiques Mini et Mickey, l’Ouvrier et la Kolkhozienne, M&Matisse ou Molotov Cocktail décortiquent avec une douce ironie les symboles de la consommation de masse et de l’idéologie soviétique.

Une sérigraphie de la Russie contemporaine 

Pourfendeur de la société consumériste américaine, Alexander Kosolapov l’est aussi de la Russie contemporaine et de ses dérives. Ses travaux autour de la représentation religieuse sont une vive critique d’un pays soumis à la résurgence du dogmatisme orthodoxe. La plus emblématique, Icon Caviar, présente un oklad authentique du XVIIe siècle de la Vierge de Kazan, dont l’icône sur bois a été remplacée par une imitation de caviar noir. Le choix d’ériger le caviar en objet artistique comporte là aussi sa part d’ironie. Car la démarche entre en contradiction avec le principe même du symbolisme consumériste : produit de luxe par excellence, le caviar ne peut prétendre à un produit de masse.

Crédit : service de presse

Son audace lui vaut d’être interdit en Russie, du moins en tant qu’artiste. « En 2007, Icon Caviar, censée être exposée à la galerie Tétriakov à Moscou, a été brusquement retirée de l’exposition. En 2010, elle a à nouveau fait l’objet de critiques virulentes et jugée « extrémiste » par un tribunal de Moscou », s’indigne Alexander Kosolapov. Cette même année, le journal moscovite Art chronique, qui décide de publier Icon Caviar en première de couverture, voit ses numéros saisis par la police. Le rédacteur en chef du journal sera renvoyé quelques jours plus tard.

Dernière oeuvre en date particulièrement critique envers l’église de Russie, Mercedes ROC (pour Russian Orthodox Church) dénonce les privilèges et goûts luxueux du clergé russe, qui n’est pas sans rappeler certaines polémiques, notamment le scandale qui a éclaté en 2012 autour du patriarche Cyrille et de sa montre Rolex gommée à un photomontage.

L’art, reflet d’une société dans tous ses états 

Haute en relief, parfois proche du street art, cette exposition invite à cheminer au travers des réflexions d’un artiste qui conceptualise la société qu’il voit, côtoie, et même parfois prédit. Pour lui, « investi d’un rôle particulier, l’art dispose d’une liberté singulière, sans censure, qui lui permet de soulever des problèmes que les autres sphères de la vie quotidienne ne peuvent pas exprimer ».

Dans l’air du temps, c’est un peu une exposition 3D que nous propose Alexander Kosolapov : au travers d’un panorama d’oeuvres réunissant une grande richesse de supports (peintures, photographies, sculptures, objets), de matières (toiles, bronze, métal) et de techniques (sérigraphie, collage, modelage), il ouvre le champs du dialogue artistique. Il questionne, propose son propre décryptage de la société actuelle. « L’artiste est à la fois dans l’espace réel et sur la Toile, dans l’espace muséal et dans la rue… Il s’empare des différents supports de diffusion, traditionnels et nouveaux formats, à des fins dialectiques », revendique l’artiste.

Fidèle à la galerie Vallois, Alexander Kosolapov invite jusqu’au 26 juillet à découvrir son univers avec, au détour de ses oeuvres, de nombreux clins d’oeil et hommages à des artistes contemporains cultes : Duchamps, Picasso, Matisse… Et bien sûr, Andy Warhol !

 

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