Thierry Malandain pose avec les décorations pour son spectacle Cendrillon. Crédit : AFP/East News
Izvestia : Pourquoi Dance Open ?
Thierry Malandain : C’est un grand festival, très célèbre. Je suis heureux de me rendre à nouveau en Russie, et pour la première fois, à Saint-Pétersbourg. Je le suis d’autant plus de pouvoir présenter mon travail là-bas.
Magifique : de quoi s’agit-il ?
T. M.: c’est un ballet sur la musique de Tchaïkovski. C’est une idée qui m’est venue alors que j’étais encore enfant, quand je pensais seulement à devenir danseur. À l’époque, je découvrais le monde du ballet. Au final, ça a donné quelque chose comme la suite de trois ballets de Tchaïkovski. Le mot « magifique » n’existe pas. Comme petit, je n’arrivais pas à dire « magnifique », quand je voulais exprimer mon enthousiasme je disais « magifique ». J’ai décidé de garder ce mot enfantin.
Racontez-nous votre ballet…
T. M.: Il y a deux personnages. L’un est grand, il ressemble à ce que je suis aujourd’hui, l’autre est l’enfant que j’étais. C’est justement avec la représentation de ces deux héros que s’ouvre le spectacle. On peut aussi y voir des parallèles avec la Belle au bois dormant, le Lac des cygnes et Casse-noisette. Lorsque j’avais 10 ans, j’ai vu le Lac des cygnes pour la première fois en vidéo et ça m’a laissé un souvenir inoubliable : j’ai tout de suite aimé le ballet.
Mais Magifique n’est pas un récit, c’est quelque chose de créé sous l’impression générale des ballets sur la musique de Tchaïkovski. Même si le public amateur y verra, bien sûr, des allusions à l’Adagio Blanc, non sans une touche d’humour. Mais ce n’est en aucun cas de la caricature. C’est plutôt une déclaration d’amour à Tchaïkovski.
Les trois ballets de Tchaïkovski sont incroyablement populaires. Vous n’avez pas peur de travailler sur une musique aussi célèbre ?
T. M.: Plus maintenant. J’ai débuté avec Casse-noisette il y a presque 30 ans, et mon dernier opus était Cendrillon, sur une musique de Prokofiev. Lorsque vous êtes né dans le ballet classique, ce genre d’expérience devient une sorte de jeu. J’ai déjà commencé à travailler sur un nouveau ballet, avec une musique de Vivaldi, sur quelques-uns de ses concerts. Et après, il y aura La Belle et la Bête pour l’opéra de Versailles.
Vous ne prévoyez pas de travailler pour le Bolchoï ou le théâtre Mariinsky ?
T. M.: Je n’ai pas pour l’instant reçu de propositions concrètes de la part de ces deux troupes, mais je serais intéressé de travailler un jour avec elles. Ma troupe est déjà venue plusieurs fois à Moscou et une fois à Ekaterinbourg. L’accueil du public y était très chaleureux : les Russes aiment vraiment le ballet. Alors tout est possible.
On dit que vous êtes néoclassique. Etes-vous d’accord avec ce qualificatif ?
T. M : Cela dépend de ce que vous entendez par néoclassicisme. On peut bien sûr demander à une danseuse de danser les pieds au sol, elle continuera toujours à faire des arabesques : ce n’est pas du néoclassicisme. Je préfère le mixte du classique et de la danse contemporaine, en y ajoutant des mouvements « personnels » qui révèlent la personnalité du danseur.
Vous êtes littéralement amoureux du passé. Et vos sujets préférés sont classiques.
T. M.: Oui, mais ce n’est pas toujours ma décision absolue. Souvent, j’accepte ces sujets-là pour tout un tas de raisons, y compris financières. Il est indispensable de connaître le passé si nous voulons avancer vers l’avenir. Comment pouvons-nous savoir qui nous sommes si nous ne savons pas qui nous avons été autrefois ?
Et que pensez-vous de l’avenir ?
T. M.: l’avenir, selon moi, se produit tous les jours. Et tous les jours, c’est une profusion de problèmes. Un directeur de compagnie doit faire face chaque jour à de nombreuses difficultés. En ce qui concerne l’avenir du ballet, je pense que la Russie n’a rien à craindre. Le ballet classique reste fort dans votre pays, contrairement à la France. Le panorama du ballet français est complètement différent. Il s’agit surtout de danse contemporaine. Et puis, vous avez le Bolchoï, le théâtre Mariinsky, et plein d’autres écoles.
En France, actuellement, il n’y a pas de bonnes écoles de ballet classique, à l’exception de l’Ecole de l’Opéra de Paris. Dans un même temps, la danse académique n’est pas concevable sans une bonne technique et cela demande beaucoup de travail. En France, les jeunes sont très paresseux. Ils ne veulent faire que ce qui leur plaît. Et ils voudraient que tout soit facile. Mais le ballet demande beaucoup de sacrifices.
Comment devient-on un bon chorégraphe ?
T. M.: Difficile à dire. Il faut avoir fait des études, bien connaître l’histoire, mais ne pas être trop conservateur, savoir accepter la nouveauté. Souvent, les gens veulent créer leur propre ballet sans connaître les éléments de base du ballet classique.
Qu’est-ce qui fait le succès d’un bon ballet ?
T. M.: le ballet est bon quand les spectateurs qui entrent dans la salle avec leurs préoccupations se laissent immerger par ce qui se passe sur scène, oublient leurs soucis et commencent alors à rêver. C’est ma tâche principale. Et bien sûr, il est important d’avoir sa propre compagnie, de créer des spectacles pour elle et de se battre au quotidien.
En France, nous sommes obligés de nous battre pour chaque spectateur qui vient voir un ballet. Les jeunes ne comprennent pas la danse. Pour eux, c’est un concept trop abstrait. C’est bien plus facile de passer du temps sur Internet ou de regarder des films : tout est beaucoup plus clair. La danse n’est pas aussi simple à comprendre. Et si on arrive à convaincre au moins un jeune dans la salle, alors le combat est gagné.
Article publié en russe sur le site de Izvestia
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