De Paris à Paris

Le voyage des Nağaybäks à Paris a fait l’objet d’un documentaire ethnographique De Paris à Paris. Source : Archives de l'expédion "Oural"

Le voyage des Nağaybäks à Paris a fait l’objet d’un documentaire ethnographique De Paris à Paris. Source : Archives de l'expédion "Oural"

Les habitants du village Paris dans le sud de l’Oural, descendants de la petite ethnie de Nağaybäks : 5 000 km les séparent de la capitale française. Selon la légende, les Nağaybäks furent les premiers à conquérir Paris en 1813-1814 au sein d’un corps militaire de Cosaques. 200 ans plus tard, les Nağaybäks d’aujourd’hui ont décidé de partir « en voyage sur les chemins de leurs ancêtres ».

Les « Parisiens » de l’Oural

Dans le sud de l’Oural, il y a un village nommé Paris, appelé ainsi en l’honneur de la capitale française où les troupes russes stationnèrent après la défaite de l’armée de Napoléon. La plupart des « Parisiens » de l’Oural viennent d’une petite ethnie – les Nağaybäks. Ce sont des Cosaques héréditaires et des Tatars christianisés, amenés de la Bachkirie dans le sud de l’Oural au 18e siècle pour défendre les frontières russes. Deux langues y sont parlées : le russe et le nağaybäk (un dialecte du tatar). Le village de Paris a sa propre Tour Eiffel – une copie conforme de la française, mais 6 fois plus petite – qui sert d’antenne cellulaire. Quatre autres villages nağaybäks se trouvent à proximité - Ferchampenouaz, Arsi, Kassel et Ostrolenskiy. Leurs noms sont également un hommage aux victoires des troupes russes du début du 19e siècle.

Les Nağaybäks forment l’une des plus petites ethnies russes. Malgré les interdictions du pope local, ils célèbrent à ce jour des rites païens. Les anniversaires de décès des proches sont célébrés par de Grandes Funérailles (Ash Biru) avec des sacrifices. Une fois par an, avant Pacque, le jeudi saint, ils chauffent la bagna. On pense que ce jour-là, les âmes des ancêtres se lavent, aussi les vivants ne ferment pas le portail et n’entrent pas dans la bagna.

Selon le dernier recensement, la Russie compte quelque 8 000 Nağaybäks, dont 94% vivent dans l’oblast Tcheliabinsk. Leur nombre diminue. Mais ils ne se laissent pas abattre : ils sont fiers des exploits de leurs ancêtres et de leur origine nağaybäk. C’est un peuple travailleur, doté d’un sens des affaires et très hospitalier. La cuisine nağaybäk est originale et leur dessert préféré sont les cerises au beurre et au sucre (Chieli mai).

Retour aux sources

Source : Archives de l'expédion « Oural »

Octobre 2012 marque le 200e anniversaire de la victoire contre Napoléon. À cette occasion, les Nağaybäks ont décidé de retourner à leurs sources et de reconquérir Paris : traverser la Pologne, l’Allemagne et la France en passant par les villes européennes que les troupes Cosaques conquirent à l’époque – Ostrolenskiy – Kassel – Fère-Champenoise - Arcis-sur-Aube et Paris.

23 Nağaybäks âgés de 23 à 55 ans sont partis en voyage en bus. Les Européens, pourtant habitués aux touristes, ont été surpris par ce groupe insolite qui arpentait les rues de France, harmonica à la main et chantant des chansons sur Paris en nağaybäk. Le style vestimentaire du groupe était également très bigarré: les vestes et jeans simples voisinaient avec des uniformes cosaques, sabres et costumes nationaux nağaybäks. 

« Dans leur voyage en France, les Nağaybäks poursuivaient trois objectifs. Ils rêvaient de faire savoir aux Européens qu’une petite ethnie vit en Russie et qu’elle a son Paris et sa Tour Eiffel. A Fère-Champenoise, ils ont rencontré un vieux qui connaissait vraiment Ferchampenouaz de l’Oural et était allé en Russie. Ils voulaient lancer la correspondance avec les habitants des villes européennes qu’ils ont traversées. Et enfin, ils voulaient retrouver leurs familles en France. Selon la légende, les femmes françaises adoraient les Cosaques. Les Nağaybäks étaient certains de pouvoir retrouver des descendants nağaybäks à Paris ou à Arcis-sur-Aube. A la conférence consacrée à l’histoire des Nağaybäks, un biologiste a dit que les Nağaybäks et les Français ont des gènes communs. Depuis, c’est leur sujet de conversation favori », raconte Svetlana Beloroussova, la réalisatrice du documentaire sur les Nağaybäks De Paris à Paris

Impressions

Source : Archives de l'expédion « Oural »

Les Nağaybäks ont été enchantés par Fère-Champenoise et Arcis-sur-Aube qui leur ont réservé un accueil chaleureux et se sont intéressés à l’histoire insolite de leur ethnie. Le maire d’Arcis Serge Lardin a invité les Parisiens de l’Oural dans son cabinet et a déclaré : « Vous êtes les premiers Russes ici depuis le tsar Alexandre 1er, venu ici en 1814. Nous sommes ravis de vous voir à Arcis. Le plus important est que nous vivons en paix et voulons être amis ».

Paris a moins plu aux Nağaybäks qu’Arcis ou Fère-Champenoise, mais c’est peut-être lié au fait que la réception du grand Paris n’était pas aussi impressionnante : ils n’ont pas réussi à rencontrer les responsables locaux et à trouver un accueil chaleureux.

« A notre retour dans l’Oural, après une bouffée d’air de notre Paris natal, je me suis dit que notre ville n’a rien à envier à Paris. Et notre Tour Eiffel est, peut-être, même mieux. Plus familière, plus proche. Ou, plutôt, l’autre est française. La Tour Eiffel nous a semblé être à nous », raconte la Nağaybäk Nadejda à propos du voyage. Toutefois, les Nağaybäks prévoient de retourner en France.

De Paris à Paris

Source : Youtube de Svetlana Beloroussova

Le voyage des Nağaybäks à Paris a fait l’objet d’un documentaire ethnographique De Paris à Paris. La réalisatrice, collaboratrice du département d’archéologie et d’ethnologie de l’Université fédérale de l’Oural Svetlana Beloroussova a fait les 5 000 km de chemin de l’Oural vers l’Europe avec les Nağaybäks. Le film a été distingué par le prix du jury du festival international Zoom-Zblizenia qui s’est achevé en Pologne le 23 février 2014.

« Le jury du festival polonais a décidé que le thème principal de mon film est l’affinité-antagonisme entre l’Ouest et l’Est. C’est une remarque inattendue. Je considère que la Russie n’est ni l’Est ni l’Ouest, et le film parle plutôt des gens qui vivent dans un village et ne considèrent pas qu’ils sont aux confins du monde », explique Svetlana Beloroussova.

 

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