Le style criminel à la russe

Les noms des grands criminels comme « Le petit jap » ou « Papi Hassan » sont connus dans le monde entier et la mafia russe vient en top des classements des mafias selon les journaux Daily news ou l’Espagnol Diario. Elle peut s’enorgueillir d’un style qui lui est propre et très populaire. Plus qu’une sous-culture des bas-fonds, c’est une véritable mode.

Le style « blatnoï » est apparu il y a bien des siècles : la figure du bandit des grands chemins auréolé de romantisme a toujours été populaire. Mais, c’est à l’époque soviétique que la mode du « blat » [le « blat », en jargon, désigne une véritable culture parallèle basée sur un réseau de relations qui permettent d’obtenir des avantages, souvent par des magouilles, au détriment de l’Etat. Ndt] a pris toute son ampleur avec le slogan révolutionnaire communiste : « Vole ce qui t’as été volé » et que les « lumpen » (couches les plus basses du prolétariat), les criminels, et les anarchistes se sont rapprochés du pouvoir. Ils constituaient une bonne part des soldats rouges lors de la Guerre civile, combattant les blancs auprès de grandes figures révolutionnaires comme Makhno, Kotovski, Tchapaev.

Chante, marche, parle

Une deuxième vague de recrudescence criminelle date des années 40, après la Grande guerre Patriotique. Pour célébrer la victoire sur l’Allemagne fasciste, des milliers de prisonniers ont été amnistiés et se sont retrouvés à errer dans les rues. Le pays grouillait d’orphelins, enfants et adolescents, ayant perdu leurs parent à la guerre et ils s’essayaient volontiers au rôle de « jigan » (voyou), avec tous ses attributs : la casquette de biais, des bottes d’officier plissées au mollet, l’écharpe blanche et bien sûr l’imitation de la dent en or. Silhouette du voyou par excellence immortalisée par la chanson : « Le gars à la casquette de travers et à la dent en or ».

Les jeunes des rues. Crédit : RIA Novosti

La musique  « blatnaïa », qui a d’ailleurs pris son envol à cette époque reste très populaire de nos jours. Les chansons « blatnyie » sont reprises aussi bien par les sortis du mitard que par les fils de fonctionnaires qui aiment à mimer le style des voyous de quartiers en se faisant tailler des pantalons pat’d’éph, qu’ils rentrent parfois dans les bottes, arborant des marcels, des marinières, des vestes rembourrées de coton et en fumant les fameuses cigarettes sans filtre Belamorkanal. Pour eux s’identifier au bandits ou aux héros de Mayne Reid et Louis Boussenard revient au même. Le goût du risque, les poursuites, les bagarres, la haine de l’autorité, faire face à la douleur. La démarche « blatnaïa » était de rigueur : dos courbé, le balancé nonchalant et les mains dans les poches. Tout cela agrémenté d’un argot bien spécifique.

Plus c’est cher, mieux c’est

Puis, avec la chute de l’URSS dans années 90, le taux de criminalité a explosé et les bandits et chefs de bandes ont pullulé à travers le pays, donnant naissance à un véritable culte du « banditisme ». Toute la population était rivée derrière son poste de télévision et suivait avidement les aventures de ses héros criminels qui, il faut le dire, étaient très souvent présentés de manière positive, comme dans le feuilleton culte « Le Saint-Pétersbourg des bandits ».

Le blouson en cuir était le symbole des années 90 en Russie. Crédit : AFP / East News

Les chefs mafieux portaient des vestes criardes couleur framboise ou bordeaux, appréciaient les chemises et cravates foncées et pour plus de conviction affichaient de grosses chaînes en or et des chevalières aux doigts. Ces « Nouveaux riches » étaient facilement repérables à l’étranger en vacances à leurs short fleuris, leurs claquettes et surtout leur « Golda » (cette grosse chaîne en or massif de 30 grammes avec souvent la croix orthodoxe qui allait avec). N’ayant pas une grande culture du goût et de la mode, ils partaient du principe « plus c’est cher, mieux c’est ». Une blague répandue à l’époque : « Regarde la cravate que je me suis achetée à 100$. Imbécile ! Il y a la même dans l’autre boutique à 200$. »

La chaîne grosse comme le doigt

Les bandits de bas étage étaient tout aussi attirés par tout ce qui brille, mais leur rang ne leur permettait de porter que de l’argent, ce qui se mariait mieux à leurs survêtements, leurs baskets et leurs crânes rasés, tenue fort pratique en cas de bagarre.

Les « byk » (bœufs), comme on les appelait dans la hiérarchie criminelle, ne rigolaient pas. Inspirés par l’héroïsme d’un Van Damme ou Stallone, ils passaient des heures dans les salles de sport à faire de la muscu et paufiner l’art du combat. Un nombre colossal de petits gars à travers le pays, fascinés par l’image de cette force physique, ont commencé à les imiter, se rasant la boule à zéro, traînant en survêts, blousons cuir et casquette gavroche et formant de hordes de voyous de bas étage, les « gopnik ».

Aujourd’hui, les chefs criminels sont rentrés dans les rangs et sont devenus des hommes d’affaires ou des citoyens respectables qui portent exclusivement des marques de luxe, Versace, Brioni, apprécient les belles montres Breguet et Piaget, roulent dans des voitures haut de gamme.

Un homme portant une montre de luxe et des bijoux. Crédit : Lori / Legion Media

Tandis que les petites frappes sont restées aux chaînes en argent, remplaçant les survêts par des pantalons larges ou à pince qui n’entravent pas les mouvements, des blousons de cuir ou des parkas de cachemire et des casquettes à oreilles. Les « gopniks », quant à eux, préfèrent la marque Adidas, les casquettes de rappeur et les lunettes de soleil, tout cela ensemble. Mais le summum du style reste le survêt porté avec les chaussures de ville !

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