Les Russes se détournent peu à peu de l’Eglise

Reuters
L’attitude des Russes vis-à-vis de l’église a changé au cours de ces 25 dernières années. À peine plus d’un tiers de la population approuve la popularisation des croyances religieuses, alors qu’un Russe sur cinq estime que l’Eglise leur porte un préjudice.

Trop fidèle aux affaires

Conformément à la Constitution, la Russie est un pays laïc, et l’Eglise y est séparée de l’État. Néanmoins, la Chambre des comptes et l’Église orthodoxe russe ont récemment signé un accord de coopération en matière de lutte contre la corruption, alors que le cours obligatoire « Bases des cultures religieuses et de l’éthique laïque » a été introduit dans les écoles il y a plusieurs années.

« L’église interfère de plus en plus dans la vie privée », déclare Elena Babitch, coordinatrice du mouvement Saint-Pétersbourg – capitale spirituelle. « Elle le fait de manière très agressive, ce qui provoque une agressivité réciproque. Il n’y a pas de dialogue avec la société, cela alarme et inquiète les gens ».

Seuls 36% des Russes approuvent la popularisation des croyances religieuses, alors qu’en 1991, leur part s’élevait à 61%. Par ailleurs, 23% des Russes estiment que la diffusion de la foi nuit à la société, alors qu’il y a 25 ans, ils n’étaient que 5% (sondage VTsIOM réalisé en juillet 2015).

« L’Eglise se consacre de plus en plus aux affaires, au détriment du travail avec la population, elle s’intéresse plus aux projets bénéficiant d’un financement public », explique Babitch. « Nous assistons actuellement à la construction active d’églises, les gens le perçoivent de manière très négative. On confisque les parcs et les lieux de détente, alors qu’il y a suffisamment d’églises dans la ville, et elles restent à moitié vides, car la messe attire peu de gens ».

Moscou compte plus d’un millier d’églises et de chapelles. En outre, il y a plusieurs années, la capitale a lancé un programme de construction de « 200 églises » qui doit assurer la proximité immédiate des églises à la population. Conformément au programme, ces églises sont érigées dans les quartiers « dortoirs », à raison d’une église pour 20 000 personnes.

« Dans notre quartier, près du métro Babouchkinskaïa, il y avait un parc avec un étang », raconte un résident local Anton Vassiliev. « C’était le seul endroit où l’on pouvait se promener avec un enfant ou faire de la luge en hiver. Désormais, le parc est clôturé, car on va y construire une église. Nous étions opposés au projet, mais personne ne nous a écoutés. Je suis croyant, et cela ne me gêne pas de me balader un quart d’heure pour aller à l’église la plus proche. Je ne comprends pas pourquoi il faut en construire une dans ma cour ».

18% des Russes s’opposaient à la construction d’églises de leur confession près de chez eux, 43% étaient opposés à l’apparition de lieux de culte d’autres religions à proximité. Les églises déjà érigées suscitent un débat tout aussi vif.  

« Actuellement, à Saint-Pétersbourg, les locaux s’unissent contre la tentative de transférer la cathédrale Saint-Isaac à l’Église orthodoxe russe », explique Babitch. « Celle-ci n’a jamais appartenu à l’église, elle a toujours été gérée par l’État et a été bâtie avec l’argent public. Nous craignons de perdre ce musée et site touristique ».

Les Russes distinguent foi et Eglise

Les psychologues soulignent que, depuis quelques années, les Russes séparent nettement les notions d’« église » et de « foi », alors que le nombre de croyants reste stable. Ainsi, 55% des Russes estiment que la foi leur fournit une aide dans leur vie, alors qu’en 1990, ils n’étaient que 23%.

« Le nombre de croyants est largement supérieur au nombre de personnes qui fréquentent les églises et observent les coutumes religieuses », explique la psychologue Elena Galitskaïa. « La foi est à l’intérieur, dans le cœur, alors que les règles de l’Eglise sont des attributs extérieurs. Ainsi, les gens ne ressentent aucune contradiction lorsque les croyants s’opposent à l’Eglise ou à sa direction ».

Au cours de ces 25 dernières années, le nombre de personnes qui estiment que la diffusion des croyances religieuses leur porte un préjudice personnel a été multiplié par 6 (18%). Le nombre de ceux qui pensent que la popularisation de l’Eglise est bénéfique a, au contraire, diminué pour passer de 41% et 1990 à 33% en 2015.

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