L’adieu aux illusions deVladimir Pozner aux éditions Noir sur blanc
Traduit par Anne-Marie Tatsis-Botton
Au milieu des relents de guerre froide, l’ouvrage de Vladimir Pozner, L’adieu aux illusions jette un souffle d’intelligence sur les débats partisans et stériles. Star du journalisme télévisé en Russie, l’homme a un profil et un parcours exceptionnels : il est né à Paris en 1934, a grandi aux États-Unis et a vécu une grande part de sa vie d’adulte en URSS qu’il découvre dans les années 50 quand, son père étant accusé par les Américains d’intelligence avec l’URSS, la famille décide de rentrer au pays. «Moi l’Américain, j’étais très fier d’avoir un père russe, et exalté d’intégrer cette société nouvelle qui avait aboli l’injustice. Mais au contact avec la réalité j’ai très vite déchanté » écrit Pozner. Lorsque quelques années plus tard, il déclare vouloir partir à New York, son père menace de le dénoncer au KGB ; pendant quelques années les frontières du monde se limiteront pour lui à celles de l’URSS et ce ne sera que bien plus tard qu’il sera autorisé à quelques missions à l’étranger.
Après la perestroïka, Pozner anime une émission télévisée en duo avec un journaliste américain, d’abord depuis la Russie puis aux USA où il retourne vivre quelques années jusqu’en 1997, avant de rentrer en Russie car écrit-il : « Je me suis rendu compte que la liberté de parole était limitée aussi là-bas… »
Le témoignage de Pozner est particulièrement précieux – non seulement parce qu’il a été le témoin direct des grands événements de la seconde moitié du vingtième siècle, mais aussi parce qu’il en livre une analyse originale que lui permet sa double appartenance culturelle.
Minsk cité de rêve d'Artur Klinau aux éditions Signes et balises
Traduit par Jacques Duvernet
C’est une toute autre approche que nous propose Artur Klinau dans Minsk, cité de rêve, véritable bijou, dans lequel il évoque la capitale biélorusse et le passé communiste à travers ses perceptions d’enfant puis de jeune adulte.
Dénouant les fils de l’histoire de son pays, Klinau évoque le brassage des cultures qui s’y sont succédées avant cette ultime renaissance, après la deuxième guerre mondiale, au seul endroit où, selon lui, pouvait naître cette Cité du Soleil et du Rêve, à la frontière de l’empire, comme une entrée sur le « Pays du Bonheur ». Avec son immense Perspective, ses palais majestueux, ses arcs de triomphe, ses colonnades, ses sculptures monumentales, ses contrastes d’ombres magnifiques sous le soleil en été, sous les éclairages nocturnes, ou en noir et blanc en hiver, Minsk forge l’esthétique du plasticien que deviendra Klinau et dont nous découvrons dans l’ouvrage les photographies.
Dans ce décor de carton-pâte, « cette grandiose scénographie de façade », nous voyons défiler des bribes de films, de moments de vie, slogans communistes, images télévisées de Gagarine ou des parades monumentales sur la Place Rouge et aussi une population prompte à faire la fête. Les occasions sont nombreuses ce qui réjouit le petit garçon que fut Klinau. Mais le pays du Bonheur est mort et l’auteur se questionne : Ai-je été heureux au Pays du Bonheur ? Oui, certainement. Aussi longtemps que j'ai cru en lui. Nous croyions en cette scénographie, merveilleuse dressée à la frontière entre utopie et réalité. »
Le Vivant d'Anna Starobinets aux éditions Mirobole
Traduit par Raphaëlle Pache
C’est dans une contre-utopie post-humaniste que nous emmène Anna Starobinets. Le monde a survécu à une catastrophe et une nouvelle ère s’est ouverte, celle du Vivant, peuplé d’une population de trois milliards d’individus qui constituent un organisme unique.
Ici la mort n’existe pas : chacun a un code génétique qui renaît dans un nouveau corps dès qu’il est mis sur « pause » et l’amour n’a plus trop de sens, la reproduction est organisée lors de festival et le sexe se réalise virtuellement… Tous les êtres sont en permanence reliés au moyen d’implants à un réseau social, le Socio, auquel ils sont reconnectés de force au bout de quarante minutes de déconnexion et, tandis qu’un Service d'ordre planétaire qui peut faire irruption même dans les fantasmes des individus veille, un gouvernement souverain, le conseil des Huit, gère. Tout est sous contrôle jusqu’au jour où un homme naît sans code, on l’appelle Zéro. Qui est-il ? Quel rôle va-t-il jouer dans le Vivant ?
Le lecteur sera captivé par la vitalité de l’écriture de Starobinets, par l’actualité de son propos - l’importance grandissante du virtuel et des réseaux sociaux - et par les questions éternelles qu’elle soulève sur la solitude, l’amour, le pouvoir, la mort.
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